6.5/10Dragon Age II - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 21/03/2011
Notre verdict : 6.5/10 - Icewind Dale 3 ? (Fiche technique)

Tags : dragon age test bioware inquisition quetes origins

Suite de Dragon Age : Origins, ce second opus vous place dans la peau de Hawke au cœur d'une ville étroite et balisée, mais suffisamment remplie de secrets et de fureurs pour attirer le joueur lambda. Les puristes des jeux de rôle sur PC repasseront un peu plus tard...

Rendez-vous compte : Quinze mois séparent Dragon Age : Origins de la séquelle dont nous allons vous parler. Quinze petits mois de développement, seulement. Pour une franchise d’envergure, mise en chantier pour renouer avec les grands standards du genre - époque Black Isle, cela semble court, cela semble peu, cela semble insuffisant. Non ? Car en toute objectivité, l’observateur avisé sait très bien qu’un jeu couvé avec amour pendant plusieurs années a plus de chance de voir éclore un poussin robuste et imposant, plutôt qu’un avorton fragile et prématuré ! Ben en fait, cette hypothèse n’est pas tout à fait vraie. Car bien que rachitique sur bien des aspects, Dragon Age second du nom est un sacré bourrin dans l’âme. En fait, s’il fallait trouver la meilleure comparaison qui soit, Dragon Age 2 serait à Dragon Age : Origins ce que Icewind Dale était par rapport aux épisodes de Baldur’s Gate : un action rpg sans nuance, simpliste et doté d’une durée de vie herculéenne. Qui l’aurait cru, hein ? Oui. Mais pourtant…


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D’emblée, le prologue nerveux et dirigiste en dit long sur la refonte globale d’une franchise qui pourtant embarquait un gameplay riche et prometteur. Passons sur les détonants trois profils chiches disponibles (guerrier, voleur, mage) ou la « carte du monde », au visuel stylé mais ridicule en terme de liberté de mouvements, pour nous concentrer sur les revirements plus embêtants. L’aperçu stratégique de Origins n’était sans doute pas parfait, mais son retour sur le devant de la scène avait l’avantage de réveiller les bons souvenirs des jeux Black Isle, en plus d’apporter une vue d’ensemble salutaire lors des affrontements tendus de l’entre-jambes. Dans ce second opus, la disparition de cet outil révèle non seulement l’insuffisance flagrante de challenge - même en niveau difficile - mais également l’orientation purement barbare de la franchise. Le soft a beau multiplier artificiellement les vagues d’ennemis et privilégier la ruée en masses sur les personnages les plus faibles (mais plus doués en coups critiques), les bagarreurs stratèges ne seront pas longtemps dupes devant la supercherie. Et si la pause permet toujours de donner des ordres à ses combattants, ceux-ci sont suffisamment efficaces en mode tactique  (mais complètement à la ramasse sans celui-ci) pour qu’avoir recours au temps-mort pour sortir vainqueur d’un champ de bataille soit rare.


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D’autre part, n’attendez pas de Dragon Age 2 qu’il emprunte les voies de la diplomatie ou de la négociation pour contourner un problème. Dans ce nouveau chapitre bourré de maps couloirs, tout se règle à la pointe de l’épée. Les dialogues introduisant un peu de modération dans ce monde de brutes sont pourtant bien présents, en plus d’être signalés par de gros icônes non équivoques. Mais étant donné le caractère brutal des interlocuteurs, et l’absence honteuse de compétences sociales - et les fameux jets de dés plébiscités par les rôlistes - quasiment aucune situation ne se termine sans un joyeux bain de sang. Vous l’aurez compris, Dragon Age 2 endosse volontiers l’armure d’un vulgaire hack’n slash, toutes proportions gardées. Ces simplifications irritantes pour les uns, tout bénef pour les autres, sont symptomatiques de la nouvelle politique des studios Bioware. Mass Effect 2 avait en effet fait les frais de ce genre de raccourci. Il était certes vif comme l’éclair, mais pas du tout en phase avec l’attente des joueurs de jeux de rôle charmés par le premier opus et son univers de science-fiction. Pour ce Dragon Age 2, il en va de même. En pire. Les développeurs ont fait un bond tellement à rebours que ceux qui ont adoré Origins pour sa difficulté et ses qualités de role-playing tomberont peut-être des nues face au déguisement enfantin de sa jouabilité.


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Au-delà des divers défauts que nous ne pouvons tous évoquer, Dragon Age 2 tire quelques épingles sympas de l’horripilante et allergisante motte de paille. Le travail sur les décors, par exemple, est légèrement plus abouti. Le tout est soigné, très bien mis en lumière (cycle jour/nuit factice mais réussi), et affiche une patte graphique qui pouvait faire défaut à Origins. Temps de développement express oblige, ces environnements tantôt majestueux, tantôt insignifiants souffrent d’une redondance pénible et en décalage avec le level design du premier épisode. En effet, sans compter les trois ou quatre abords peu exotiques, toute l’histoire du Héraut se déroule dans la ville de Kirkwall. Une cité minuscule d’anciens esclavagistes, constituée d’une poignée de quartiers anguleux, recyclés et disposant d’un agencement trop souvent à l’identique ! Poil dans la main ou bourse trouée ? Toujours est-il que ce n’est pas cet épisode qui suscitera l’appel du grand large…

.Contrebalançant cette défaillance d’ambition, les quêtes annexes ont quasiment toutes bénéficié d’une mise en scène aux petits oignons, avec situations remarquablement dialoguées (la VO sous-titrée est largement supérieure à la version française) et instants en apparence anecdotiques mais intimement liés à la trame principale. Les auteurs ont mis l’accent sur l’humour, moins premier degré que dans Origins, et sur les tensions dramatiques à travers la psychologie complexe et attachante des six compagnons qui peuvent intégrer l’équipe. Un effort a été fait sur l’animation et le design des personnages : charismatiques et dotés de jolis backgrounds en relation directe avec la quête principale. Leur rôle respectif dans Dragon Age 2 est ainsi affirmé. Leurs quêtes personnelles sont captivantes et s’imbriquent mieux dans le périple. A travers les agissements du joueur, le dévouement pour leur cause ou l’offrande de cadeaux (plus ou moins empoisonnés), il est toujours possible de construire avec eux une amitié, une relation amoureuse, ou une rivalité… avec à la clé divers avantages. Mais le petit plus qui détonne un peu depuis Origins - mettons de côté les simplifications grossières - est l’arbre de spécialisation propre à chaque compagnon : entre autres, Fenris, l’ancien esclave tatoué au lyrium, peut développer des aptitudes uniques lui permettant de résister aux attaques magiques. Enfin, rassurons les adolescents pré-pubères : les demoiselles de Dragon Age ont toujours d’énormes nénés, et les damoiseaux sont tous charpentés comme Stallone. Le style heroic fantasy, son manichéisme et ses codes gonflés aux hormones ne sont pas prêts de finir six pieds sous terre…

Il faut reconnaître qu’en l’espace de seulement un an de développement et des poussières, Bioware est tout de même parvenu à construire une séquelle non dénuée d’émotions, pleine d’embranchements scénaristiques et de références à Origins - vos sauvegardes sont également importables pour une meilleure immersion. Ok. L’ensemble est balisé. Le principe de choix / conséquence n’arrive pas à la cheville d’un New Vegas : tout au long des trois longs chapitres et de la cinquantaine d’heures de jeu (quêtes annexes comprises), les actions du joueur n’ont que peu d’incidences sur les deux fins possibles de l’aventure. Ceci dit, l’histoire est rondement menée, l’ascension sociale de son personnage est grisante, la mise en scène reste bien foutue – suffisamment en tout cas pour tenir en haleine, le combat final est de toute beauté, les différentes alternatives ont le mérite de gonfler le replay value. Bref. Dragon Age 2 n’est sûrement pas un jeu de rôle à l’ancienne, complexe, vaste et ardu. Il ne convaincra sans doute pas les puristes. Par contre, ceux qui raffolent d’aventures brut de décoffrage, servies par un gameplay simple de prise en main, devraient trouver en Dragon Age 2 un blockbuster digne d’intérêt.