7.5/10Dragon Age : Origins - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 21/11/2009
Notre verdict : 7.5/10 - Neverwinter Nights 3 (Fiche technique)

Tags : dragon age origins test bioware jeux xbox

Même si Dragon Age : Origins ne peut rivaliser avec l'excellence de Sha­dows of Amn, la filiation avec le ténor est une évidence, ne serait-ce que dans l'esprit...

Avant-propos sur l'Edition Digitale de Luxe


Disponible uniquement en téléchargement direct depuis le 6 novembre 2009 sur la Toile, cette version exclusive de Dragon Age : Origins devait faire l'objet de la présente chronique. C'est même avec une certaine excitation que nous avions l'intention d'aborder aussi bien le jeu originel que les bonus plus ou moins intéressants composant cette édition digitale. Évidemment, nous étions bien loin de nous douter que l'activation de ces bonus serait un casse-tête, ici insoluble, pour le commun des consommateurs. En effet, malgré nos nombreuses et infructueuses tentatives, pour des raisons obscures de connexion bancale à la plate-forme de mise à jour, il nous a été impossible de faire fonctionner les codes indispensables au déblocage de chaque contenu, à savoir : différents artefacts surpuissants – dont une armure fashion et un bouquin pour truquer ses compétences ; un compagnon additionnel brut de décoffrage à l'histoire personnelle alléchante (sur le papier, du moins) ;  ou l'ancienne forteresse des Gardiens des Ombres... Plein de trucs plutôt dispensables, en l'occurrence, vendus, qui plus est la peau des fesses aux retardataires qui auraient  eu la présence d'esprit de ne pas se jeter sur cette « offre avantageuse ». Il n'empêche que pour tous ceux qui, après avoir vidé leur bourse pour ce package (cinq à dix euros plus cher que la version de base), se sont retrouvés avec du contenu fantôme, difficile de ne pas alerter les futurs acquéreurs des possibles ratés du système d'activation compliqué et foireux mis en place par le développeur Bioware et leur éditeurs EA. Et en ces temps de disette, voilà bien un Luxe dont on peut aisément se passer... Pour cette raison, nous n'aborderons ci-dessous que le jeu dans son plus simple appareil : sans feuille de vigne, ni réserve, ni détour inutile.

 Dragon Age : Origins aux portes de Baldur

Si vous suivez l'actualité du jeu vidéo d'assez près, vous savez déjà qu'avant même sa sortie officielle, Dragon Age : Origins était présenté comme le digne successeur de la saga des Baldur's Gate, jeu de rôle sur pc développé par feu Black Isle, référence vidéoludique  apparemment ultime pour tous les nostalgiques. En fin de compte, si Baldur's Gate premier et second du nom restent effectivement des JdR mémorables, d'autres (plus aboutis, mâtures et complexes) dépassent ces deux volets en de nombreux points. Sauf un, et pas des moindres : la célébrité. Il était donc tout à fait compréhensible que Bioware et consorts axent la promotion de leur dernier né autour de ce supposé héritage de prestige. Car même si Dragon Age : Origins ne peut rivaliser avec l'excellence de Sha­dows of Amn, la filiation avec le ténor est une évidence, ne serait-ce que dans l'esprit.


Comme Origins le suppose, suivant l’une des trois races que vous choisissez d’incarner parmi six biographies prédéfinies, les premiers pas dans Dragon Age fouleront le sol d’une localité et de son prologue spécifiques. Cette opportunité, idéale pour amener le joueur à revivre l’aventure sous un regard neuf, n’est pas nouvelle. Le RPG d’action Sacred : Fallen Angel prévoyait déjà le dilemme. Mais là où Dragon Age se démarque, c’est dans la profondeur de ces six entames qui, en plus de figurer le parfait didacticiel pour chacun des avatars, ont une incidence notable sur le déroulement de certains évènements de la trame principale. Cette dernière, semblable pour tous, ne bouscule pas les fonds de tiroir de l’Heroic Fantasy. Fortement influencée par l’indécrottable Seigneur des Anneaux de Peter Jackson (jusque dans ses mises en scène, à deux doigts du plagiat), l’histoire bénéficie néanmoins d’une écriture élégante et fouillée. A aucun moment, elle n’atteint la portée philosophique de Planescape Torment ou la montée en puissance de The Witcher. Et les quelques traits d’humour raffinés s’incrustant au détour des copieux dialogues ne font pas oublier le premier degré assuré de ce périple… beau, mais un tantinet soporifique (because of dejà-vu). Autrement, dans les faits, et hormis un prologue pépère et balisé, le fil des évènements se déroule tambour battant, enchaînant les revirements de situation, les rencontres inattendues, les renouvellements de gameplay (Ah, l’Immatériel !) et plein d’autres surprises. Le soft fait en effet intervenir à intervalles quotidiens des scripts réfléchis, simulant un Ferelden en vie, et presque autonomes (ou parallèles) par rapport aux actions entreprises par le joueur. Dommage qu’en dehors de cette Marche du Temps où une heure ne se passe sans un nouveau coup de théâtre, les personnages non joueurs (pnj) soient plantés comme des poireaux dans un champ, à attendre que la conversation s’engage. Un point noir pour Dragon Age : Origins qui, à l’encontre des derniers JdR en quête de toujours plus de réalisme (cycle jour/nuit ; emplois du temps variés des pnj ; interactions multiples…), se contente du minimum syndical, utilisant un peu trop la carte de la facilité. L’exemple le plus flagrant étant la multitude de décors couloirs, balisés ou restreints dans lesquels la liberté de mouvements est sommaire. Très sommaire, précisément aux endroits où on s’y attend le moins : le fast travel utilisé pour passer entre les quelques quartiers de Dénérim… Avarice bien loin des moindres recoins entièrement visitables des immenses et généreuses cités portuaires de Baldur ou d’Athkatla.


En choisissant de revenir à la source des premiers jeux de rôle pour PC, Bioware ne pouvait décemment pas faire de son Dragon Age : Origins une promenade (dirigiste, donc) de jouvence pour les vieux de la vieille qui attendaient enfin le retour du divertissement ardu, façon Baldur’s Gate. Rien qu’en mode normal, le niveau de maîtrise est tellement relevé que les adorateurs de Bhaal - légendaire seigneur du meurtre des Royaumes Oubliés, auront largement de quoi se prendre en pleine face le retour de flamme nostalgique de leurs interminables nuits blanches passées à se tirer les cheveux devant les jeux de Black Isle. Quant aux néophytes et consoleux de dernière génération, ils risquent fort d’être surpris par le défi coriace et revigorant proposé par l’aventure tant Dragon Age : Origins diffère d’une grosse partie des jeux vidéo qui défilent depuis ces dernières années et n’ont besoin que d’un ou deux neurones pour être terminés. Mais les anciens balduriens auront tout de même et à de nombreuses reprises le plaisir d'apercevoir l'ombre de Baldur en différents lieux et ambiances de Dragon Age : les thèmes musicaux très proches (la BO de l’extension de Baldur’s Gate 2 était d’ailleurs déjà l’œuvre de Inon Zur), les bruitages, les papotages et altercations entre équipiers (encore plus développés que dans Mass Effect), les tavernes et leur rixe, les rencontres plus ou moins aléatoires sur la carte du monde, la nervosité des combats, l'importance de la stratégie, les clics du crochetage, les pièges révélés, la boule de feu atomique, le challenge de la difficulté, la pause active... Autant d'éléments, somme toute classiques au genre, mais mis en scène dans Dragon Age de telle façon qu'on pourrait effectivement se croire dans un jeu à la Black Isle. La vue tactique fait d'ailleurs mine de revenir au temps de la 2D isométrique si chère aux Napoléons en herbe. Un plus exclusif à la version PC qui, s'il s'avère essentiel pour avoir une bonne vue d'ensemble du champ de bataille, se révèle malheureusement inefficace à certains endroits : ruelles exiguës, terrains accidentés ou sur plusieurs niveaux d'altitude. L'envergure de cette vue censée faire toute la différence en combat est tellement limitée que le joueur est obligé, en permanence, de passer d’une vue à l’autre pour repérer et cibler  archers et autres snipers (à la portée de tir surhumaine). Sur la longueur, le va-et-vient file la gerbe, lorsqu'il ne met pas à rude épreuve les nerfs du joueur se faisant assaillir de tous côtés.


Comparé aux récentes sorties du genre, Dragon Age : Origins ne subit pas tant que cela le poids de ses cinq années de développement. De la cité de Dénérim aux monumentales constructions naines taillées dans la pierre d’Orzammar, les architectures des différentes localités - pourtant dans les sentiers rebattus des poncifs de la fantasy, donnent à voir des modélisations vraiment agréables pour l’œil. Les intérieurs, bien que répétitifs, ont été gavés de détails et de couleurs harmonieuses. Certains décors 3D ont de la classe, presque autant que les plus fameux environnements de Black Isle. A contrario, les textures baveuses, la végétation brouillonne ou la carence d’éléments en plein air ne flattent l’œil qu’à de trop rares occasions. L’écart esthétique entre ville et campagne porte à croire qu’une fois de plus, les infographistes 3D ont été à la ramasse lorsqu’il a fallu rendre hommage à Dame Nature. En outre, ce manque étrange de finition (et d’imagination) semble avoir contaminé les responsables du design character, pareillement dans les choux concernant le charme qui aurait pu se dégager des habitants du royaume de Ferelden. Sans être déplaisants à regarder, ni à entendre (le doublage français est assuré avec brio par une poignée de célébrités vocales du monde du jeu vidéo), la majorité des protagonistes ont la particularité commune de ne justement pas avoir de personnalités vraiment inoubliables. Cette fadeur ambiante – étonnante de la part des mêmes créateurs à l’œuvre sur les charismatiques coéquipiers de Mass Effect, est tributaire d’une animation comportementale trop rigide pour être naturelle. Et même si les scénaristes ont fait en sorte de dresser pour chaque individu croisé un background respectif plutôt intéressant (avec scènes d’amour et quêtes additionnelles à la clé), une fausse note indescriptible et gênante persiste au milieu de ce semblant d’harmonie.


Soit. L’accumulation modérée d’arguments négatifs pourraient donner l’impression que Dragon Age : Origins n’est pas estimé à sa juste valeur, ou qu’il n’en vaut pas la chandelle, ou qu’il serait temps pour son rédacteur aigri de changer d’activité extra-professionnelle (dixit tous les futurs internautes pas contents qu’un tel torchon existe), ou que rien du tout de cela. Car par les testicules de Saverok !, une note de sept et demi sur dix, ça fait quinze sur vingt, mention bien ! Et en dehors de l’esthétique inégale du titre (notamment à cause du monde organique), des loupés de son gameplay (en vue tactique), de la linéarité du voyage (avare en liberté et en démesure), de l’intelligence artificielle ridicule des coéquipiers en roue libre, ou de l’abondance des temps de chargement (faute au découpage grossier des zones de jeu), à ce jour, Dragon Age : Origins se rapproche le mieux de ce qu’était capable de développer le mythique studio Black Isle – à qui l’on doit les plus grands standards du genre. Quelques soucis techniques sont à peaufiner. Mais les principaux ingrédients sont bel et bien là : une difficulté revigorante, de belles ambiances, des combinaisons de sorts jubilatoires (glace et tremblement de terre, waouh), de la nervosité dans les combats, un brin d’humour (à booster), des quêtes secondaires plus subtiles que d’accoutumé, six origines pour une durée de vie excellente (plus de 100 heures). Il ne manque plus qu’à trouver le dosage idéal pour réellement se rapprocher au plus près de la magie de l’Ile Noire. Et en attendant le second opus en préparation, les modules à venir de la communauté des développeurs amateurs auront sûrement le talent de rectifier les quelques impairs de Dragon Age : Origins, voire peut-être de le surélever.