9.5/10Dwarf Fortress - Test

/ Critique - écrit par GroFlo, le 25/01/2007
Notre verdict : 9.5/10 - Sept nains en ASCII c'est mieux que sept nains au ski (Fiche technique)

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N'avez-vous jamais rêvé de contrôler une population, de les faire partir de rien et de les mener vers une glorieuse destinée ? Je suis sûr que tout au fond de vous sommeille un Dieu, qu'il soit juste et droit ou violent et sans pitié.
Et, en quête de Grand Destin, vous avez essayé tous les Civilizations, vous avez fini tous les Settlers, vous avez été déçu du manque de profondeur de Dungeon Keeper, et vous errez, perdu, à la recherche du jeu ultime, celui qui vous ne vous donnera aucune limite, qui laissera votre imagination s'exprimer, et enfin pouvoir dire : Voici Mon Peuple, voici Mon Oeuvre.

L'idée magique : privilégier gameplay et profondeur

Et bien rassurez-vous, ce jeu existe. Oui, chers Dieux en herbe. Et c'est une tuerie. Un pur carnage. Le jeu Ultime du genre. Et drôle en plus : il se nomme Dwarf Fortress (ou plus exactement Slaves to Armok : God of Blood, Chpt II : Dwarf Fortress, mais on abrègera par la suite).
Comment est-ce possible me direz vous ? Et bien tout simplement en inversant la problématique.
Aujourd'hui, pour être vendeur et vendu, un jeu doit promettre beaucoup sur le gameplay, mais encore plus sur l'aspect graphique. Il doit être beau, on doit s'extasier devant, et il doit surtout satisfaire celui qui s'est payé une bécane à 1500 en utilisant toutes les ressources disponibles.
Du coup, à privilégier des jeux magnifiques, on arrive souvent à un gameplay décevant. Oh, pas forcément nul hein, il existe de très bons jeux et d'autres meilleurs arriveront encore. Mais il est rare de trouver un jeu qui permette de vraiment laisser cours à son imagination.
Les ptits gars de chez Bay12 se sont alors dit : "on n'est pas nombreux, on n'a pas de gros moyens, et si on veut faire un joli jeu, on pourra pas arriver à faire un truc profond et puissant. Alors on laisse tomber complètement l'aspect graphisme, et on se concentre à fond sur le GamePlay".
Idée toute bête, mais relativement efficace.

Par contre, quand ils disent qu'ils laissent de côté l'aspect graphique, ma foi, ils ne nous mentent pas : le jeu est en ASCII. Oui, en ASCII. Ce truc qui était au top de la nouveauté dans les jeux des années 80, sur Apple IIe. Alors forcément, ça peut choquer. Voire faire peur. Et souvent rebuter. Mais là encore c'est la volonté des créateurs du jeu : en obligeant à faire un effort, le joueur s'immerge d'autant plus. À l'image des chiffres verts de la matrice, je joueur néophyte ne verra tout d'abord que des lettres, des chiffres, des signes et des couleurs. Un truc incompréhensible. Mais au bout d'un temps d'adaptation et de quelques efforts, un décor d'une beauté et d'une clarté jamais atteintes dans toute l'histoire du jeu vidéo s'offre à lui : il voit l'écureuil courir entre deux arbres, il remarque tout de suite le nuage de mouches qui tourne autour des stocks de nourriture et qui ennuie les personnages, il distingue parfaitement les corps ennemis ensanglantés d'un côté, et ses nains armés en plein combat de l'autre, avec les chiens de guerre au milieu.
Et c'est là la magie du jeu : on n'imposant pas des graphismes et des détails au joueur, ce dernier imagine lui même ce qu'ils devraient être, et se crée donc les plus beaux décors possible.

C'est quoi l'histoire ?

Vous êtes donc un Dieu tout puissant, ou plutôt un Chef, une Conscience suprême à laquelle obéissent vos sept nains (oui, sept, parfaitement), qui ont quitté leurs grises montagnes pour coloniser d'autres parties du vaste monde. Après avoir choisi quelles compétences et quel équipement auront les nains, vous choisissez le terrain. Là encore, sur chaque ordinateur vous avez un monde différent (et immense), généré par le jeu dès la première partie.
Et vous voilà donc avec vos 7 nains, vos chariots de bouffes/boissons/outils, et vos animaux éventuels. Dès lors, c'est parti pour la vie à la dure : il ne reste pas longtemps avant l'hiver, et il est rude par ces contrées. Creusez la montagne, créez des zones de stockage, allez pêcher, faites de chambres, des salles à manger, des puits, allez vite chercher la rivière souterraine pour construire une ferme et planter vos graines, bref organisez votre survie, de A à Z.
Pour faire une chambre, il faut un lit. Pour faire un lit, il faut du bois. Pour le bois, il faut le couper, donc avoir un bûcheron. Une zone de stockage pour le bois. Puis construire une menuiserie, et avoir un menuisier qui fera le lit. Quand le bois manquera, il faudra élever des chiens de guerre pour accompagner vos bucherons. Vous commencez à manquer de nourriture ? Il va peut-être falloir trucider les 2 chevaux que vous avez. Pourtant, les garder de côté permettrait de les faire se reproduire et d'avoir plus de viande à terme.
Alors créez des objets inutiles, comme des jouets, ou des instruments de musique avec la pierre extraite de la montagne, et échangez-les à l'automne contre de la nourriture, lorsque la caravane des elfes ou des humains passera.
Irriguez bien vos champs, et n'inondez pas le souterrain surtout ! Si un nain meurt, ou une bête, prévoyez une zone de stockage des déchets, ou sinon le corps pourrira, infestant votre souterrain d'une odeur pestilentielle.

Toutes vos actions nécessiteront réflexion, et auront des conséquences. Allez-vous être commerçant et diplomate ? Ou allez-vous trucider les caravanes de commerce pour voler leurs biens ? Saurez-vous satisfaire les requêtes de vos nains, ou allez-vous les laisser devenir fous et berserk ?

Losing is fun

C'est le "slogan" du jeu : Perdre est marrant. Car en effet, il vous faudra sans doute recommencer encore et encore une nouvelle partie, puisque les débuts sont difficiles, et vous tâtonnerez beaucoup. Vous apprendrez sans cesse, même après 30, 40, 50h de jeu.
En devant gérer une colonie pouvant aller jusqu'à 200 nains, mêlant des nobles (soucieux de leurs privilèges) et de simples nains fort consommateurs d'alcool, avec la nécessité de les nourrir, les loger, les habiller et les protéger, on se rend vite compte que le plus gros défaut de ce jeu se trouve être le temps qu'il demande : préparez-vous à n'avoir plus de vie sociale.
Car vous ne savez encore rien des possibilités de ce jeu. Enfin ce mode devrais je dire, puisque le jeu propose un autre mode : le mode aventure, encore en alpha, qui se rapproche plus d'un Baldur's Gate, mais que je ne détaillerai pas ici.

Sachez aussi par exemple que toutes vos anciennes colonies ratées sont gardées en mémoire, et qu'il vous sera possible de tomber dessus, de les visiter, de découvrir ces ruines d'une ancienne civilisation qui a échoué. On est presque dans le monde persistant. Il ne manquerait qu'un mode Online à ce jeu, finalement.

Bref, vous l'aurez compris, il est impossible de présenter le jeu simplement et de façon succincte, tellement il regorge de possibilités. Et il faut l'essayer pour comprendre. Alors évidemment, comme je l'ai dit, il faut un temps d'adaptation. Certains même n'arriveront jamais à franchir le premier cap, et abandonneront, avouant lâchement que "l'ASCII, c'est vraiment pas pour eux". Tant pis, ils ne savent vraiment pas ce qu'ils ratent.
Surtout que le jeu, en plus de ses graphismes, est très mal servi pour ce qui est de l'accessibilité et de la compréhension des menus : tout se fait au clavier, par lettres qui font rentrer dans des sous menus remplis d'options et de choix. Et oui, la liberté à un coût ! Là encore, il faut un temps d'adaptation. Mais plus ou moins rapidement, on intègre les commandes, et instinctivement on va faire "u" "c" "l" pour choisir les activités à privilégier de tel ou tel nain.
Fort heureusement, il existe une communauté francophone grandissante qui est très active et permet par des wikis et des forums, d'éclaircir tous les points obscurs qui pourraient décourager le néophyte. Il ne se retrouve plus seul, plongé en milieu hostile, et toute question ou demande d'aide trouvera une réponse rapidement. Et pour ceux que l'anglais ne rebute pas (ah oui parce que Dwarf Fortress, c'est uniquement et entièrement en anglais, pour l'instant), il existe un autre wiki indispensable et vraiment complet.

Au final, Dwarf Fortress (jeu gratuit au passage) est un véritable OVNI. Difficile à classer, on pourra dire que c'est "roguelike". Son plus grand défaut est en fait sa plus grande qualité : son absence de graphismes, et son système déroutant de menus. Mais une fois que vous franchissez avec succès cette étape, s'ouvre à vous un monde gigantesque, qui semble avoir 10 ans d'avance sur tous les jeux similaires. Votre liberté est totale, et une fois la partie chargée, vous ne pouvez plus vous en sortir, il y a tant de choses à faire, refaire, et découvrir !
Et quand en plus on sait que le jeu est relativement récent et en perpétuel développement (beta), on ne peut que se réjouir de savoir que nous ne sommes pas au bout de nos (bonnes) surprises !

Et allez, en bonus pour vous, un screen pour voir comme c'est affreux (mais à noter que dernièrement, certains joueurs ont développé des MOD pour améliorer les graphismes) :

Dwarf Fortress - Test
DR.