8/10Fallout New Vegas - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 15/11/2010
Notre verdict : 8/10 - Back to the Fallout ! (Fiche technique)

Tags : fallout vegas test jeux obsidian quetes video

En (re)passant le flambeau aux développeurs d'Obsidian, l'éditeur Bethesda espérait peut-être remettre les pendules à l'heure : New Vegas sera-t-il le digne successeur des deux premiers opus ?

Décrite comme simple skin futuriste d'Oblivion par les disciples de la langue putride souffrant de problèmes dermatologiques, jetée en pâture dans la gueule du tout froid et tout gris par la confrérie des Bizounours, montrée du doigt de l'ennui par les mille colombes d'augure irradiée qui ont le "bailler aux corneilles" facile, la version Fallout de Bethesda en aura vu des vertes et des trop cuites. Son moteur de jeu vieillissant, ses quêtes balourdes et ses ballades vides de sens, sa rupture maladroite avec l'esprit joyeusement glauque de la franchise, ses contenus téléchargeables inégaux ou ses références trop timides pour se faire remarquer ont d'ailleurs fini d'achever l'espoir du fanatique psychorigide de retrouver ses marques dans les Terres Dévastées.


En (re)passant le flambeau aux développeurs d'Obsidian - parmi lesquels figurent les démiurges historiques de cet univers post-apocalyptique, l'éditeur Bethesda espérait peut-être remettre les pendules à l'heure, histoire que tout le monde soit d'accord : New Vegas sera le digne successeur des deux premiers opus. Du moins, dans l'esprit. Car si cette nouvelle entreprise reste prisonnière des chaînes artistiques datées et du gameplay si contesté de Fallout troisième du nom, les créatifs de chez Obsidian sont parvenus à construire un désert Mojave plus cohérent et mieux organisé. La map du jeu est constellée d'innombrables sites, territoires et personnages non joueurs utiles qui participent à faire de ce gigantesque bac à sable un espace mûrement réfléchi, et dans lequel les cartographes d'Obsidian ont structuré l'ensemble de sorte à ce que chaque emplacement réponde à une logique, à une quête, à des backgrounds, à une Histoire. L'immersion s'en retrouve boostée. D'autant que la topographie a été enrichie, arborant des paysages aux ambiances et couleurs loin d'être uniformes : grand canyon de roches rouge, montagnes boisées et sommets enneigés, lacs et rivières d'eau pure, zone aride et tempêtes de sable, abri anti-atomique envahi par la végétation... Le décor principal de New Vegas et ses architectures illuminées résument assez bien cette volonté de redonner un peu de peps à la palette si morne et tristounette utilisée par Bethesda. En contrepartie, le level design terre-à-terre d'Obsidian peine à rivaliser avec certains décors inspirés et grandioses (Megaton, Little Lamplight, le centre de Washington) de Fallout 3. Faute d'audace ou par respect de la charte, les graphistes de New Vegas vont même jusqu'à recycler à foison de nombreux intérieurs et modèles du précédent épisode. Si bien qu'à première vue, le joueur rapide en jugement pourrait avoir la désagréable impression d'être en présence d'un stand-alone visuellement pas hyper séduisant et vendu au prix fort. Or, il n'en est rien. Assurons-le : ce jeu vaut bien son pesant de capsules.


Un coursier voulant se venger de vilains bonhommes qui l'ont laissé pour mort avant de lui avoir volé son jeton de platine ? Waouh ! S'il fallait miser le pactole sur cette entame maigrichonne, peu seraient les parieurs lambda à prendre le risque de tout perdre. Un vrai pro des jeux du hasard, lui, tenterait sa chance, se disant que rien n'empêche l'originalité de débarquer à l'improviste pendant le long périple (près d'une centaine d'heures de promenade !) qui suivra ce point de départ faussement des plus couillons. Et il aurait raison. Car une chasse à l'homme, cela rime avec des embûches aux encornures, des chemins de traverses, des rencontres fortuites, des dilemmes en perspective, des détours plus ou moins utiles et des retournements de situations. En tout cas, à New Vegas, ça ne se passe pas autrement. Après un début plan-plan très drôle mais moins immersif que les moments de vie au sein d'un Abri, et une poignée d'heures un tantinet mollassonnes, le joueur est rapidement confronté à des choix qui détermineront son parcours en ce bas-monde. Adieu, Karma généraliste de Fallout 3. Bienvenue, Réputation par faction ! La non-linéarité extraordinaire du soft permet désormais de décider de sa popularité auprès de la vingtaine de groupuscules, des plus sinistres crapules aux plus illustres illuminés. Ce faisant, par l'intermédiaire d'une fournée imposante de quêtes secondaires, disponibles en marge de votre quête principale de vengeance, mais qui trouveront pour la plupart des connexions étroites avec cette dernière. Fidèle à ce désir de rester cohérent en toutes circonstances, les scénaristes ont ainsi réussi à tisser à partir d'une constellation d'histoires une toile commune, privilégiant les ramifications et les croisées du chemin, avec en ligne de mire différentes fins possibles. Sublimant le poids important des décisions du joueur sur le cheminement et le dénouement de la trame, Obsidian réussit le tour de force de renouer avec la liberté d'action grisante de Fallout 1 et 2. L'humour noir, les situations improbables et les références à cette vision post-apo signent leur grand retour. Il était temps !


Les développeurs ne se sont pas contentés de coller à l'essence de la franchise, et d'aiguiser leur plume en conséquence. Plusieurs réajustements salutaires et nouveautés font en parallèle leur apparition, preuve que New Vegas se veut par la même occasion tranchant et novateur par rapport à Fallout 3. Au sujet des quêtes annexes, un bon nombre d'entre elles - essentiellement les « Fedex », sont officieuses et nécessiteront des investigations à l'aveugle, c'est-à-dire : non assistées par un repère sur la carte. Leur résolution apporte rarement des trésors uniques, allant même jusqu'à ne rien récompenser du tout. Mais le plaisir de retourner de fond en comble la moindre parcelle de terrain, dans le but de ne rien laisser derrière soi, se suffit à lui-même. Tout comme l'ajout du mode Hardcore, inspiré des célèbres mods de joueurs, et destiné à ceux qui raffolent de survie extrême : désormais, il faudra composer avec sa faim, sa déshydratation et son manque de sommeil. Sachant que cette option débloque en plus une fin spécifique, il serait dommage de passer à côté, l'expérience de jeu n'étant pas pareille sans. Contexte de casino oblige, divers mini-jeux (de carte, principalement) viennent se rajouter aux séances toujours efficaces de crochetage et de piratage informatique. Sans compter les défis à relever, les modifications d'arme et divers ateliers d'artisanat plus complets. Enfin, le joueur peut se faire seconder par deux compagnons, parmi une petite dizaine de profils à découvrir tout au long de l'aventure. Ces personnages ne sont pas seulement des gardes du corps incontrôlables, mais de vrais adjuvants plus ou moins charismatiques, dotés d'un bonus d'aptitude spécifique, et avec lesquels le joueur pourra - via un menu contextuel spécialement dédié, faire un brin de causette, échanger de l'équipement ou transmettre quelques directives rudimentaires, tels que le choix des armes ou le style de combat. A la manière des co-équipiers de Mass Effect, chacun d'eux embarque dans ses bagages une quête personnelle à résoudre, avec la récompense d'un bonus supplémentaire de compétence dans son sillage. Sillage tantôt tortueux, tantôt anecdotique, mais globalement bien amené pour filer l'envie d'en voir la fin. La présence des compagnons manquait sans doute au chapitre. Mais celle-ci revêt un problème de taille : elle facilite vraiment les combats. Ainsi, il suffit de gérer leur santé, en coulisses, et de les laisser faire le ménage, tout en gardant un œil sur leurs actions offensives par moment incompréhensibles (lorsqu'ils ne sont pas coincés dans les éléments du décor).


Effectivement, au sommet de la pile des désillusions, le challenge des affrontements est quasi inexistant. Si les premiers pas en Mojave pouvaient faire espérer le contraire, étant donné l'abandon de l'absurde principe du level scaling par les développeurs de New Vegas, il s'avère rapidement qu'une fois atteint le dixième niveau, les adversaires sont un tantinet tartes. En Normal, tout du moins : un personnage nul en corps à corps peut envoyer au tapis n'importe quel Super Mutant en deux ou trois coups de poings bien placés. Il faut le voir pour le croire ! Le challenge monte cependant en flèche lorsqu'on passe en mode supérieur de difficulté. Fort heureusement, le rentre-dedans systématique n'est plus le passage obligé du périple. Si la légende affirme que Fallout 1 et 2 peuvent être traversés sans verser une goutte de sang, elle trouve un écho avec ce New Vegas. Les brainstormers ont laissé la porte ouverte aux alternatives pacifiques. Par la négociation, par le discours ou par l'entourloupe, les aptitudes sociales permettent réellement de passer outre la plupart des quêtes à embrouille, et d'éviter ainsi les conflits, pour peu que la répartition des points d'expérience ait été faite suivant une logique de spécialisation. Autrement dit : les personnages moyens en tout ou bourrins de première seront forcés d'en découdre. A ce propos, la montée de niveau recèle un bémol qui trahit une autre absence d'équilibre. Les développeurs semblent avoir mis des bâtons dans les roues du joueur en n'accordant le choix d'une aptitude qu'un niveau sur deux, avec en tête la volonté de reprendre le système de Fallout 1 et 2, mais aussi de minimiser la puissance de votre personnage. Puisque toute action rapporte de l'xp - et parfois même beaucoup trop, il n'est pas rare que les joueurs fouineurs atteignent rapidement le trentième et dernier niveau en plein milieu de la découverte. Amis curieux et explorateurs en herbe, attendez-vous donc à ne plus pouvoir définir les caractéristiques de votre avatar surpuissant une fois 50% du périple parcouru. Vous voilà prévenus !


Il y a quelques mois seulement, Alpha Protocol avait confirmé le talent d'Obsidian Entertainment pour nous pondre des jeux de rôle scénaristiquement travaillés et débordants d'alternatives intelligentes. Bien que victimes de lacunes artistiques et nombreux bugs en tout genre, les aventures vidéoludiques mises en chantier par ces anciens de Black Isle n'ont pas toujours trouvé grâce aux yeux de joueurs aussi exigeants que des enfants pourri-gâtés. La question reste donc en suspens : leur dernier né parvient-il à toucher du doigt l'irréprochabilité ? Oh que non, une fois encore. Les bugs à la pelle, les retours Windows, les modélisations faiblardes des pnj - et leurs animations faciales parfois risibles (un Super Mutant qui parle en claquant des dents...), l'intelligence artificielle en perte de neurones ou le recyclage généralisé font de ce New Vegas un soft loin d'être parfait. En plus, de l'avis général, il est tout moche. Mais ceux qui ont la critique facile oublient qu'à l'époque, les deux premiers Fallout étaient déjà affublés des mêmes remarques navrantes, au détriment de la richesse de leurs possibilités de jeu. Ils sont pourtant devenus des jeux de rôle sur PC incontournables. En ce sens, le dernier né d'Obsidian Entertainment n'est sans doute pas à la page techniquement parlant, mais en terme d'expérience de jeu, il marque une renaissance appréciable, une revisite des sources et dans un avenir lointain, pourrait bien finir - soyons visionnaire à la folie, parmi les références qui ont fait avancer dans la bonne direction le genre...