8.5/10Half-Life 2 - Test

/ Critique - écrit par Nicolas, le 27/11/2004
Notre verdict : 8.5/10 - Une vie à t’attendre (Fiche technique)

Tags : half life valve jeux test episode gordon

Half-life est un jeu à part. ce n'est pas moi qui le dit, mais l'ensemble de la communauté des joueurs. Avouez qu'un jeu sorti en 1998 qui continue à ameuter autant de joueurs sur le net, ça force l'admiration. Faut dire, le jeu méritait largement les louanges dont il fut l'objet à sa sortie : une intelligence artificielle révolutionnaire, un plaisir sans cesse renouvelé, et une durée de vie plus que solide. Sans oublier, la possibilité d'accueillir des mods de jeu de toutes sortes, solo ou multi, renforçant sur le long terme la longévité du jeu au bon vouloir des passionnés du web. C'est un peu comme ça que le multijoueur au sens propre du terme a commencé : Counter Strike. Un des mods les plus célèbres et les plus joués au monde. Pourtant, à la base, rien d'exceptionnelle sur le papier : Un scientifique un peu plus débrouillard que les autres lutte contre toute une hordes d'aliens et de militaires pour rester en vie et rejoindre la surface, prisonnier d'un immense complexe high-tech futuriste. Boum, carton critique et public. De quoi comprendre le flou organisé autour de la suite du FPS le plus vendu de tous les temps.
Car dire que HL² s'est fait attendre est une vérité de la palisse. Pendant quelques années, le seul contact qu'il envisageait d'entretenir avec son public se résumait à quelques vidéos plutôt impressionnantes louant les mérites d'un nouveau moteur très réaliste. La révolution ludique semblait en marche...

Ma révolution porte ton nom.

Alors, HL² est-il la révolution annoncée ? Oui, mais peut-être pas dans le sens où certains l'annonçaient. En fait, techniquement, elle commença en ce bel été 2003, ici et là sur le web et dans d'autres magazines de jeux vidéos, avec l'incroyable annonce du vol d'une partie du code source du software qui obligeait le développeur, Valve, à re-programmer son jeu dans une large mesure. L'évènement, incroyable pour une boîte de jeu aussi réputé que celle-ci, faisait suite aux démêlés tordus entre Doug Lombardi (Valve) et Vivendi Universal qui n'en finissait pas de se contredire sur la date probable de sortie et ses ramifications. Prévu initialement pour septembre 2003, sur un 700 Mhz en config minimum, et en bundle avec les dernières cartes ATI, le jeu mettra prêt d'un an à se trouver une place crédible dans les plannings de vente de Vivendi, passant par les plus odieux stratagèmes pour éviter de froisser des joueurs déjà très très mécontents : un bon pour HL2 dans les boîtes ATI, et la mise en vente via Steam de versions téléchargeables qu'ils ne pourront de toutes façons pas utiliser avant la sortie officielle.

La deuxième révolution accompagne la mise en vente du jeu, par le biais du désormais célèbre réseau Steam qui avait déjà fait pas mal parler de lui au temps de Half-Life et ses mods. Le concept, une plateforme online permettant de rejoindre des serveurs de jeu et d'acheter en ligne des applications/mods. Sans clé CD, pas d'accès possible, et c'est là que le système devenait ironiquement génial : le type lambda, en possession du jeu et d'une clé légale, qui avait tardivement pris la décision de s'inscrire à Steam (ou même qui venait d'acheter le jeu), se frottait implacablement à un message du type « clé CD déjà utilisée », indiquant qu'un pirate avait déjà pris les devants et s'amusait joyeusement au détriment de notre brave gars et sa facture. Le remède, il existait, passait par l'envoi d'un courrier avec toutes les preuves nécessaires au siège de Valve logé à Vancouver, Canada. Pas très habile.
Pour HL 2, on frise la crise de rire : le jeu exprime le besoin d'installer Steam et de surfer sur internet pour y créer un compte valide (avec la clé CD). Pas d'internet, pas de jeu. Si l'opération est validée, il sera toujours possible de jouer en mode off line moyennant un paramétrage pas trop compliqué de l'interface. Une attaque directe contre le piratage, un peu au détriment des joueurs honnêtes qui doivent tout de même lâcher dans les 60€ pour se procurer la petit boîte bien vide (le manuel = une demi-feuille A4 recto verso).

Enfin, troisième et dernière grande révolution, plus ciblée software celle-ci, le loading intempestif. Je me demande vraiment ce que ce jeu peut bien faire pendant les nombreuses minutes qu'ils occupent au démarrage, et pendant la très grande série de « chargements » émaillant le jeu tous les 200 pas. Sans rire, ou peu s'en faut, une fois avoir appuyé sur le bouton « jouer » de steam, je pense être en mesure d'aller acheter le pain au bout de la rue et de lancer ma lessive de la semaine avant de déboucher sur l'écran titre du jeu. CQFD.

La malédiction d'un cri lointain.

Bon, concrètement, qu'est ce qui a changé depuis Far Cry et Doom 3, mis à part les petits désagréments précédents ? Avancer, reculer, pas de côté, sauter, s'accroupir, tirer, recharger, utiliser, non, je confirme, rien n'a changé. Les habitués du FPS n'auront aucun mal à retrouver leurs marques après un petit réglage de souris, une fois l'introduction passée. Celle-ci nous emmène dans le hall d'une gare assez poisseuse, démuni d'arme et de but dans la vie, où vous rencontrerez votre première difficulté en tant que pré-phase de « je tue tout ce qui bouge » : ramasser une cannette et la fourrer dans la poubelle la plus proche. HL², c'est ça : pratiquement chaque objet portable peut-être ramassé et lancé, sur une plus ou moins grande distance selon le volume de l'objet. Ca va de la palette en bois au tonneau en ferraille, en passant par les pots de peinture et les box à bouteilles. L'occasion de proposer de temps en temps des petits problèmes de logique faisant grandement appel à votre sens de la physique, genre ramasser des parpaings pour contrebalancer votre poids sur une planche. La classe. Les plus pragmatiques se serviront de palettes pour se protéger un peu des attaques vindicatives de vos adversaires, et les moins pressés joueront à empiler des cartons ou à viser les poubelles.
Puis viendra le temps des choses vraiment sérieuses : le pied de biche. Le top pour la fracasse de box en bois et de têtes d'alien. Puis un flingue, puis une automatique, puis des grenades, etc. Et on commence à dessouder violemment la population bizarrement très vindicative de cette planète, sans chercher pourquoi ni... ni pourquoi. Le scénario ne cherche même pas à vous expliquer. Certains sont ravis de vous voir, et un tas d'autres beaucoup moins. Tant pis. Pour vous dire que certains montraient du doigt Far Cry sur la maigreur et la fantaisie narrative de son scénario, HL² souffre presque du même problème.

Si le scénario n'est en aucune façon un monument de réflexion ou d'aventure, les gens de Valve ne sont néanmoins pas n'importe qui. Ils l'avaient montré avec Half-life : ils savent varier les challenges. Un art, si on peut l'appeler comme ça, qui se vérifie sur Half-life². Même si le FPS garde toujours ses droits, il s'agit rarement de faire la même chose. Le pourquoi du comment reste toujours flou, certes, mais l'effet sur l'immersion et l'intérêt n'en est que bénéfique. Tout du moins, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que le terrain est fléché comme un magasin Ikéa. Une route est proprement définie, pas d'alternative, aucun moyen d'être un peu original. Autre lacune, un plus partant d'un moins, certains chapitres confieront de large portion de leur temps à des phases véhiculées, un aéroglisseur et un buggy, plutôt sympa à utiliser et enflés de bonnes idées de gameplay. Le revers, c'est que ces périodes du jeu se révèlent vite démesurément longues et répétitives, au point de grever le rythme et d'attendre impatiemment le chapitre suivant.

La pomme tombe par terre, et pareil pour les laves-linges. (Newton)

Un titre accrocheur pour dire que Half-life 2 ne bénéficie pas seulement d'un moteur à « tomber par terre », mais peut se vanter de le mettre au service complet du joueur. Gordon récupère après quelques chapitres le « pistolet anti-gravité », l'arme par excellence qui à elle tout seul fait grimper de quelques points l'intérêt du soft. Chaque objet environnant peut alors devenir une arme redoutable, et c'est précisément le moment où l'on rencontre des scies circulaires et de gros crochets pas très amicaux. En pressant sur le bouton de gauche, l'arme émet une décharge qui envoie valdinguer l'objet à plusieurs mètres de distance ; le bouton de droite supprime la gravité d'un objet de taille raisonnable et le colle à son canon, jusqu'à ce que le joueur décide de le propulser sur quelque chose ou quelqu'un. En pratique, ça donne ça : un mutant, appelons-le Emmanuel, s'avance en vous chouinant qu'il n'est pas content et qu'il souhaite donc vous démonter la tête. Emmanuel, comme la majorité des êtres vivants de ce monde, est insensible au pistolet-gravité. Gordon décide donc d'arracher le radiateur du mur avec le bouton de droite pour le coller dans la tronche d'Emmanuel avec le bouton de gauche. Résultat : Emmanuel ne chouine plus. Le résultat diffère selon la masse et la consistance de l'objet, mais la jouissance procurée n'a que peu d'égale en matière de FPS, surtout lorsqu'un ou deux lave-linges se retrouvent à proximité.
Comme l'on pourrait s'en douter, le pistolet anti-gravité dispose d'un niveau supérieur de fonctionnement qu'il ne sera possible d'utiliser que dans les derniers chapitres et en intérieur clos. Pour ne pas trop en dévoiler, mais un petit quand même, disons que ce qui n'était pas possible d'altérer avant... bah se fait altérer comme le reste à présent. Tout simplement jubilatoire, et encore davantage si les programmeurs avaient pensé à l'intégrer dans des scènes extérieures. Dommage.

Deuxième bonne idée, plus ponctuelle celle-ci, les phéropodes. Une arme évidemment, mais d'un genre spécial et plutôt bien pensé. Parmi le bestiaire lancé à votre poursuite, les plus observateurs d'entre vous auront remarqué cette joyeuse colonie d'arachnides (nommées ainsi par ma personne en référence à Starship Troopers) employées à vous gâcher la vie sur un ou deux chapitres (saoulantes, les bestioles). Une fois l'une des reines abattue, vous entrez alors en possession d'un organe générant des phéropodes, une sorte d'enzyme vous permettant de contrôler la colonie en question. Ou tout du moins une petite partie renouvelable. Il vous suffit alors d'en jeter sur un endroit pour contempler vos nouvelles meilleures amies se jeter avec allégresse et abnégation dans un guet-apens infesté de soldats armés jusqu'aux casques, et se faire massacrer seulement pour vos beaux yeux verts. Sympathique, mais courtement exploité.

Troisième et dernier point, il vous sera possible à certains moment s du jeu de contrôler une escouade quatre rebelles, de manière assez limité. En pratique, ça ne se résume qu'à « restez là » et « suivez moi », et leur utilité n'est parfois pas bien évidente. Leur petit jeu préféré, c'est de se mettre pile à l'endroit qui vous gêne le plus, pour au choix vous empêcher soit de passer soit de vous mettre à l'abri. Frustrant, surtout quand on s'aperçoit que leur capacité à viser ne vole pas beaucoup plus haut que celle de mon chien. CQFD.

« Des graphisme venus d'ailleurs ! » (cf la boîte)

Parlons machine. Enfin. On peut balayer d'entrée la configuration minimum inscrite sur la boîte et réviser la hausse la vieille carcasse qui nous sert d'ordinateur. Un processeur cadencé à 2Ghz, épaulé par 512 de RAM et une carte graphique compétente (64 Mo devrait faire l'affaire) parait le bas de gamme pour faire tourner de manière correcte, sans ralentissement, ce monstrueux gouffre à ressources. Les possesseurs de machines de guerre auront toutefois de quoi s'en mettre plein la vue, bien que certains pourront le juger en deçà des grosses productions récentes. En tout cas, un niveau graphique très très correcte et une multitude d'effets visuels très réussis renforçant la cohésion de l'ensemble. Le gros plus technique réside dans une modélisation et une animation sans véritablement d'égale dans le monde du PC, en particulier sur la gestuelle faciale proprement saisissante. La bande-son, aussi discrète que dans le premier, a fait l'objet également d'un effort particulier pour se fondre dans l'action avec une efficacité garantie. Ca se gâte franchement avec le doublage audio français, plutôt moyen pour ne pas dire médiocre.
Le jeu se divise en quinze chapitres (en comptant le générique de fin), assez homogène en terme de qualité (malgré les phases de véhicules bien longues), mais d'une longueur très inégale. La plus grosse durée du jeu sera avalée par les chapitres du milieu, les plus intenses et les plus longs, tandis que les autres seront peut-être torchés en moins d'une heure. Au final, un peu plus de quinze heures pour voir le bout en normal sans rencontrer trop de difficultés, et sans trop se cribler de sauvegardes rapides. Autant pousser d'entrée la difficulté du jeu, et faire confiance aux (nombreuses) sauvegardes automatiques du jeu.

En multijoueur, et bien... En fait, pas vraiment de multijoueur, ceux qui espéraient pouvoir se fighter le pistolet anti-gravité au poing peuvent aller faire leurs devoirs de maths. En lieu et place d'un mode multi décent : Counter Strike Source, le célèbre mod pour Half-life remanié avec le moteur de Half-life². Concrètement, une vitesse de jeu un tout petit peu speedé, un graphisme entièrement revu, et une petite interaction avec les objets du décor (pas aussi poussé que dans le jeu solo, hélas). Un peu contestable, dans la mesure où les skins ont tout bonnement été supprimés, et que l'animation des personnages se montre parfois très étrange pour ne pas dire risible.

Conclusion.

Les contre-arguments du jeu : des chargements interminables, un scénario construit comme du gruyère, des doublages audio assez vilains, une durée de vie peut-être un peu courte, et l'absence de multijoueur autre que Counter Strike. Tout le reste joue en la faveur de Half-life². C'est-à-dire : une charte graphique et une modélisation impeccable, un moteur de jeu excellemment bien exploité (le pistolet anti-gravité), une immersion sans faille, et un plaisir largement dans le positif la majeure partie du temps. Pas la méga-révolution annoncée, mais un titre très accrocheur faisant honneur à son aîné, et une réelle satisfaction de s'être fait une nouvelle fois captiver par les gens de Valve.