Metroidvania, pourquoi on y revient

/ Article - écrit par Hugo Ruher, le 14/10/2019

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Avec son grand retour sur le devant de la scène, le genre du Metroidvania nous propose de nombreux titres de qualité actuellement. Mais pourquoi un genre de jeu dans lequel on doit constamment repasser aux mêmes endroits plaît autant ?

Entre Ori, Hollow Knights et Monster Boy on a été plutôt gâtés ces derniers temps du côté des Metroidvania. Le genre a connu un soudain revival sous l'impulsion des studios indés qui ont profité du fait qu'un bon jeu de ce genre peut être produit pour des coûts relativement faibles.

Mais d'abord, un Metroidvania, qu'est-ce que c'est ? Pour faire court, il s'agit d'un jeu mêlant plateforme et exploration. A la manière d'un Metroid, vous naviguez dans un niveau unique et les capacités que vous débloquez au fur et à mesure de votre progression vous permettent d'atteindre peu à peu des zones inaccessibles au début. Ce qui implique donc des aller-retours pour redécouvrir des passages déjà visités.


Monster Boy et le royaume maudit.

 

Cette définition reste très générique, le genre ayant beaucoup évolué au fil du temps et pouvant être croisé avec d'autres sous-genres (RPG, FPS etc.) mais cela peut nous donner une idée globale. Ce qu'il faut retenir avant tout c'est cette notion d'aller-retours, par opposition aux jeux linéaires façon Mario en scrolling horizontal. C'est en tout cas ainsi que le définit Tobias Wahlberg, chercheur suédois du département de Game Design à l'Université d'Uppsala dans une étude parue en 2015. L'auteur qui se pose cette question: pourquoi un jeu où on doit constamment revenir sur ses pas reste agréable ?

Il serait un peu long de détailler toute son étude ici, mais ce qu'on retient c'est que selon lui, la dose de fun dépend en grande partie de la difficulté. Un constat partagé par Fabien Demeulenaere, co-fondateur du studio Game Atelier qui a développé Monster Boy et le Royaume Maudit: "On a fait en sorte de donner des outils au joueur pour l'encourager à explorer sans être trop saoulé ! Mais en même temps sans trop le prendre par la main, c'est un équilibre à trouver."

Un équilibré bien présent dans Monster Boy où justement, les premières heures de jeu se déroulent tranquillement avant que les choses ne se corsent au fur et à mesure. Le joueur a accès au bout d'un moment à un téléporteur, mais aussi à des indices pour savoir vers où aller, ce qui limite le risque de s'égarer. Le contrepied d'un Hollow Knight par exemple où l'on est plus souvent perdus sans carte et sans savoir où aller. Y compris au début de l'aventure.


Hollow Knights.

 

A partir de là, il faut se demander dans quel but le joueur doit revenir sur ses pas. Si on prend le cas de Monster Boy, la majeure partie des aller-retours sont optionnels, il s'agit d'aller récupérer des bonus. En plus, le fait de débloquer les différentes transformations rend la progression dans les niveaux plus aisés, on peut donc se promener et battre tranquillement les ennemis sans que la progression ne soit trop pénible. Dans les cas où la seconde visite dans un lieu est obligatoire pour avancer dans le jeu, on finit rapidement par bifurquer et par découvrir de nouvelles zones.

Dans ce cas-là, l'exploration devient gratifiante, le joueur dispose non seulement d'une liberté de se déplacer, mais en plus il découvre un monde cohérent qui suit sa propre logique. Pour prendre un exemple contraire d'un jeu culte: dans le premier Sonic sur Megadrive on passe d'une forêt à une sorte de volcan sans aucune explication avant de se retrouver dans un flipper… Le Metroidvania, avec ses mondes interconnectés est plus uniforme et les développeurs doivent prendre ça en compte tout en essayant de proposer des niveaux qui restent variés.


Ori and the blind forest.

 

Mais à partir de quand le joueur n'a pas envie de retourner sur ses pas ? Là, c'est la question de la difficulté du jeu qui est au coeur de l'étude. Traverser des zones compliquées, remplies d'ennemis c'est difficile mais satisfaisant à la fin. En revanche, refaire le challenge une deuxième fois en sachant ce qu'on a de l'autre côté est beaucoup moins enthousiasmant. Dans la même idée, si la difficulté vient du fait qu'à chaque erreur, on doit se retaper des kilomètres encore et encore, l'envie de challenge se change en frustration. Pour Fabien Demeulenaere, tout repose sur le gameplay: "Il faut que chaque nouvelle mécanique introduite dans le jeu soit expliquée, que le joueur sache s'en servir et sache en quoi elle peut lui être utile."

Un détail qui peut éviter les fameuses phases où l'on teste tout et n'importe quoi devant un obstacle en espérant trouver une solution. Ce qui se passait parfois dans Super Metroid où le joueur pouvait se retrouver égaré sans savoir quoi faire.

Les jeux actuels (c'est valable pour Monster Boy mais aussi pour la plupart des autres) ont tendance à mieux prendre cette dimension en considération et à ne pas laisser le joueur dans le flou afin qu'il intègre et qu'il s'approprie totalement le gameplay. A lui ensuite de se débrouiller à passer les niveaux.


Monster Boy etle royaume maudit.

 

La gratification est d'ailleurs beaucoup plus grande lorsqu'on trouve la solution en réfléchissant, plutôt qu'en épuisant toutes les possibilités jusqu'à ce que ça passe. Une évolution positive qui devrait continuer. C'est en tout cas l'opinion de Tobias Wahlberg pour qui la théorisation de plus en plus poussée de ce type de jeu, avec des analyses des différentes mécaniques, va pousser les développeurs à échanger entre eux pour déterminer les bonnes et les mauvaises idées en termes de gameplay. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pour Monster Boy. Le développement a duré cinq ans, et dans ce laps de temps, le studio a vu les concurrents sortir Ori and the Blind forest. Les deux studios ont donc pu échanger afin que chacun au final puisse se démarquer et proposer de meilleurs jeux.