Comment fabrique-t-on un jeu vidéo ? #2 Rose in the Wood, un jeu vidéo collaboratif

/ Actualité - écrit par Guillom, le 29/11/2013

Il a déjà été question dans ces pages de Lou Lubie et du Forum dessinée. Chaque année, les membres du forum créent de façon collective un petit jeu Flash, une sorte de cadeau d’anniversaire pour les fans. Cette année, Lou a vu les choses en grand : développer un jeu vidéo. Oui mais ! Le jeu ne sera pas réalisé par une petite équipe de professionnels, mais par les internautes. Le mot d’ordre du projet est la participation. Chacun fut libre de soumettre ses idées à l’approbation des autres.

Nul n'est tenu d'être docteur en littérature classique pour savoir lire. Il en va de même pour le développement d'un jeu. On peut s’essayer à la programmation pure et dure, à condition d’avoir le temps et sans doute un petit grain de folie, utiliser des logiciels très intuitifs, genre Game Maker (ma solution préférée) ou on a pu faire partie de La Petite Fabrique du jeu vidéo. Le résultat de cette formidable expérience est Rose in the Woods (vous retrouverez le blog de sa conception ici). En tout, 82 amateurs ont participé au gameplay, aux bruitages, à la bande son, à l’interface, aux graphismes…  Quelques semaines de programmation plus tard, Lou, qui n’a pas abandonné face aux  attaques de bugs et autres fatal errors, a achevé le développement du jeu. Voici un aperçu de ce processus créatif.

Le gameplay : Epic Lubian Fighter !

Le gameplay retenu fut un arena shooter, c'est-à-dire une arène dans laquelle le joueur doit vaincre des vagues successives d'ennemis. Un concept simple : si les vagues ont été stoppées, le joueur gagne et passe ce niveau, sinon… game over. Le jeu se déroulant dans l'univers citronné du Forum dessiné, tuer des méchants dans de grandes gerbes de sang en les plombant ou en les découpant à l’épée tronçonneuse n’était pas trop dans le ton. Ainsi le héros utilise son lance-pierre pour combattre des ennemis fantomatiques. De plus, vaincre une vague vaincue ne donne pas de points, mais des lubiens (les membres du Forum dessiné, pour ceux qui dormaient au fond). Ces lubiens donnent certains avantages au joueur. Placés sur le terrain, ils pourront le soigner ou encore l'aider à éliminer les vagues d'ennemis. Et là, on entre dans un nouveau genre : le tower defense. Nous ne sommes pas si loin du premier DOTA. De délicieux petits détails en plus : le mini-jeu des lucioles, la peur de voir ses lubiens être dévorés (aux dépens souvent de la santé du héros), les guimauves kamikazes, les monstres qui évoquent des moutons de poussière aux yeux rouges…

Les graphismes : promenons-nous dans les bois…

En pré-production, il n'est pas question de graphismes définitifs. On parle de concept arts. Il s'agit d'illustrations qui permettent de se représenter l'univers visuel du jeu, son ambiance, mais aussi la disposition des ressources en son sein. Contrairement à ce que beaucoup s'imaginent, le concept art n'est pas qu'une affaire de dessin, c'est avant tout des recherches.
Le principe est simple : chercher des références autour d'un ou plusieurs thèmes (une forêt peut-être) et composer une planche (au sens figuré du terme) afin d'avoir une vision globale de ce qui peut être illustré. Le tout en essayant de répondre aux contraintes de la programmation d'un jeu. « Les graphismes doivent se plier à de nombreuses contraintes techniques pour pouvoir être correctement intégrés au jeu. Poids des fichiers, taille des assets, nomenclature (nldr : la façon de nommer les fichiers)... Les participants en ont bavé ! ». Or, un arena shooter est un jeu de tir dans un espace clos. Donc pas de scrolling, l'espace de jeu ne bougera pas et sera visible entièrement à l'écran. Le jeu opte donc pour une vue de dessus, pour les terrains, avec les personnages vus de côté. Certains vont se demander si s’intéresser si tôt aux graphismes n’est pas un peu exagéré. Ce qui va mettre Lou Lubie en colère ! « La première chose que le joueur perçoit d'un jeu, ce sont les graphismes. C'est pour ça que, même si c'est le gameplay qui est le coeur d'un jeu, les graphismes sont sa "carte de visite". Sur la Petite Fabrique de Jeu Vidéo, on a la chance d'avoir une pépinière de (grands) talents à portée de main : le Forum Dessiné et ses nombreux dessinateurs ! On va donc en profiter et essayer de produire un beau jeu ». Compris ?

Le scénario : balade en forêt


Cinéma, littérature, théâtre…  On ne peut imaginer ces arts sans une histoire, bien que certains films ou certaines pièces contemporaines laissent une plus grande part à l'esthétique visuelle. Il en va de même pour le jeu vidéo. Si, à ses débuts, il n'était pas forcément question de background pour Pong et Pacman (on remarquera toutefois l'introduction de ce dernier, faisant office de cinématique), le jeu se tourne désormais vers le cinéma, dont il ravit déjà la place en terme de rentabilité (ndlr : GTA V rules !). La dernière décennie vit le jeu vidéo s'ultra-scénariser, à travers des FPS très scriptés (le joueur va d'un point A à un point B, sans route alternative) tel que Call of Duty ou des jeux-films type Azura's Wrath ou encore les productions de David Cage.

Camping en forêt. La petite rose disparaît mystérieusement. Son grand frère se met à sa recherche. Très vite, il réalise qu’il n’est pas seul. Des créatures cauchemardesques jaillissent de la forêt et s’attaquent à lui. Ont-ils quelque chose à voir avec l’enlèvement de sa sœur ? Notre héros mène l’enquête, armé de son lance-pierre et aidé des lubiens qu’il rencontrera sur son chemin. Un chemin qui l’entraînera au plus profond de la forêt. Excepté l’idée du camping, qui n’est pas très fréquent dans le jeu vidéo, tout cela semble assez basique. La Petite Fabrique a fait le choix d'un scénario qui permet d'établir un univers et de le rendre plausible tout en donnant un but au jeu. Cependant, l'action n’est pas scriptée, le scénario constitue simplement l'arrière-plan.

Le résultat : Rose in the wood.

Le jeu est sorti le 13 octobre. Il est entièrement jouable sur navigateur en cliquant ici. Remercions Lou Lubie et les 82 internautes pour cette expérience hors du commun. Et pour les indécis, voici le trailer de Rose in the Woods. On ne pourra pas dire que vous n'avez pas été gâtés !