8/10Secret Files : Tunguska - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 26/09/2006
Notre verdict : 8/10 - X-Files sans Mulder et Scully (Fiche technique)

Tags : secret files nintendo tunguska test video jeux

Après une dizaine d'heures d'enquête et de petites prises de têtes, Secret Files : Tunguska s'avère équipé de diverses aptitudes qui pourraient le hisser au sommet des meilleurs jeux d'aventure point'n click de l'année 2006...

 

Musée archéologique de Berlin, de nuit.
Un vieux scientifique du nom de Vladimir Kalenkow vient de se volatiliser dans la nature en laissant derrière lui un sacré foutoir. Des témoins disent avoir distingué un étrange individu - à l'apparence physionomique incertaine - dans les parages à ce moment là. Face à l'inaction de la Police, sa fille Nina, une mécanicienne routarde venue lui rendre visite, décide de prendre le taureau par les cornes en menant sa propre enquête. Secondée par Max Gruber, l'un des jeunes collègues (belle gueule mais sourd comme un pot) de son père, Nina s'apprête à remonter jusqu'à la piste de Tunguska, une région de Sibérie qui aurait subi un extraordinaire cataclysme en 1908. Quelle coïncidence ! Mulder et Scul... heu... Vladimir Kalenkow travaillait justement sur cet événement aux conséquences catastrophiques mais à l'origine indéterminée... Encore un coup des petits gris, vous croyez ?

Sur le papier, Secret Files : Tunguska n'exhibait aucune tendance exotique propre au paysage actuel des jeux dits d'aventure. Jörg Beilschmidt et Marco Zeugner, des anciens du studio Ascaron (Port Royale, Sacred, Dark Star One) et nouveaux instigateurs allemands de la présente intrigue, ont élaboré leur soft sur des plans traditionnels du point'n click, titillés de voir surgir sur la place publique une recrudescence d'objets ludiques non identifiés (Broken Sword III ou Dreamfall, pour ne citer qu'eux). Tout en évitant de tomber dans le tout conventionnel (mais en lorgnant du côté de l'absurde aux encolures...), les auteurs ont fait de leur mieux pour échafauder une aventure à l'armature scénaristique solide (et prenant sa source dans un fait véridique déjà abordé par d'autres productions), à l'esthétisme remarquablement soigné et aux énigmes habiles.


Dix lieux différents (ruines irlandaises, paysages cubains, banquise d'Antarctique...) - soit une centaine d'endroits distincts, sont à visiter. Cadrés de manière (trop !) classique, les différents tableaux prennent vie par l'intermédiaire de petites animations environnementales et arrières plans mobiles du plus bel effet. Les décors en 3D précalculée restent dans une ambiance réaliste tout en exprimant une patte graphique proche du peint à la main. Dans chacun d'eux, les détails foisonnent tellement à l'écran que le curseur de la souris ne cesse de chercher ceux susceptibles de dissimuler un quelconque secret. En plus d'un doublage voix anglais excellent (sauf Oleg... théâtral à outrance), les personnages tridimensionnels s'incorporent bien à l'ensemble avec une jolie gestion des ombres et lumières. Leur animation et stature, par contre, sont rigides et peu naturelles. Certains mouvements motion capture de personnages (ceux de Vladimir Kalenkow, en l'occurrence, mais pas seulement) ont été agencés d'une façon bien étrange, comme s'il y avait eu du mauvais calibrage et une modélisation disproportionnée des personnages dans l'air. Quant aux copieuses cinématiques faites d'images de synthèse haute qualité et ponctuant les passages importants, leurs mises en scène sont réussies tout en restant classiques et du coup, peu surprenantes.


En tant que point'n click à l'ancienne, Secret Files : Tunguska ne déracinera pas les habitués du genre. Le soft va tout de même un peu plus loin que ses acolytes en proposant une double assistance aux joueurs : la « Snoop Key », petite loupe d'aide qui, une fois actionnée (en cliquant sur son icône ou en maintenant la barre d'espace appuyée), révèle les zones scriptées d'un tableau tels que les sorties, les personnages, les objets à ramasser ou les éléments spécifiques du décor ; des indices textuels supplémentaires sur certaines devinettes et à consulter dans un onglet spécial de votre journal intime (esthétiquement très beau, soit dit en passant). J'entends déjà les puristes crier aux scandales, conforme à un groupuscule d'illusionnistes bataillant contre les confrères qui divulguent leurs antiques tours de passe-passe ! En effet, l'intégration de telles options n'est vraiment pas une habitude dans les jeux d'aventure dont le principal intérêt - pour ne pas dire LA persistance - réside dans la recherche du fameux pixel magique (via le balayage du curseur de la souris) et la résolution d'énigmes (via son propre cerveau... ou celui de l'ami google). Cela dit, il est fort probable que seuls les galériens et autres néophytes en la matière auront recours à ces adjuvants, tout de même bien utiles pour tous lorsque l'embûche rencontrée s'avère coriace.


Les énigmes proposées participent à la bonne tenue du titre. Notre sens de l'observation est mis à contribution au sein de charades intelligentes et parfois subtiles. Le niveau de difficulté, plus corsé en début de partie, est raisonnable. Il suffit d'aimer combiner sans but précis tout et n'importe quoi pour en voir - rapidement - la fin. Nina et ses poches sans fond emmagasinent tout un tas d'objets à l'utilité incertaine. Une fois confrontés aux situations problématiques (sans le choix multiple de résolution à la clé annoncé par les développeurs), par contre, les associations d'items deviennent globalement logiques. Il arrive que certaines d'entre elles soient carrément loufoques, mais ingénieuses pour peu que l'on ait le sens de l'humour ! L'humour justement, qu'il provienne des situations ou des dialogues, est un autre atout de Secret Files : Tunguska. Les brainstormers ne se sont pas fixés de limite de ce côté-là : fantaisie et pragmatisme semblent faire bon ménage. Les conversations ont elles-aussi leur importance dans la résolution de certaines quêtes. Et quand on entend dire des concepteurs que chacun des quarante protagonistes présents dans le jeu possède dans les méandres de son esprit une petite histoire à raconter (et parallèle à la trame principale), on imagine très vite Nina et Max, les deux héros contrôlables tour par tour (dans un même décor, qui plus est !), faire chauffer les méninges pour extirper les vers du nez. Tout ceci dans la plus pure tradition des pacifistes, bien entendu, le jeu étant un authentique point'n click, sans phases barbares d'infiltration > tirage de chignon > Quick Time Event > inhumation > désinstallation prématurée.

Après une dizaine d'heures d'enquête et de petites prises de têtes, Secret Files : Tunguska s'avère équipé de diverses aptitudes qui pourraient le hisser au sommet des meilleurs jeux d'aventure point'n click de l'année 2006 (Runaway 2 exclu, celui-ci n'ayant pas encore été testé au moment de la rédaction de cette chronique). Si le titre du jeu fait explicitement référence au double épisode X-Files : Tunguska (y'aura-t-il un soupçon d'huile noire dans la salade de Nina ?), les scénaristes d'Animation Arts / Fusionsphere Systems se sont également imprégnés de l'humour d'un Simon Le Sorcier, des chroniques d'Indiana Jones vu par LucasArts ou de quelques ambiances dans Black Mirror. Sans oublier d'évoquer l'influence possible de Syberia 2, en beaucoup moins poétique. De brillantes références, donc ! Malheureusement, au-delà de leur intention palpable de bien faire, le scénario traîne progressivement dans le déjà vu. Son manichéisme (gros comme un monument) finit de ternir la montée en puissance des résolutions finales, essoufflées et conformistes. Les personnages attachants et le visuel excellent donnent toutefois l'envie de retrouver Nina et Max dans une séquelle d'aussi bonne facture (et dotée d'une histoire plus robuste). Ce désir deviendra peut-être réalité : face au succès rencontré par l'aventure, un second Secret Files est en préparation pour 2008...