9.5/10Shadow of the Colossus - Test

/ Critique - écrit par kenji, le 28/03/2006
Notre verdict : 9.5/10 - Divin enfant (Fiche technique)

Tags : shadow colossus test colosses jeux remake oeuvre

Après un éblouissant ICO, injustement passé inaperçu par manque de mise en valeur de la part de Sony, l'équipe de développement de Fumito Ueda prend le contre-pied de la tendance actuelle de développer des suites et nous a concocté un nouveau jeu très différent.

Pourtant dès les premiers pas dans le jeu, le parti pris esthétique fait indéniablement penser à son prédécesseur avec un grain de l'image très particulier, des paysages immenses, des couleurs très douces. La bande-son est aussi très épurée, les chevauchées du héros sont subtilement parsemées de sonorités de la Nature : des gazouillis d'oiseau, le vent qui s'engouffre dans un précipice ou faisant frémir la végétation, l'eau s'écoulant dans une petite rivière à la lisière d'une forêt. Nature avec un N majuscule tellement le jeu est un hommage à sa beauté, sa pureté mais aussi à sa domination, l'homme passant parfois pour le décor.


Voyage, voyage

Oui, Shadow of the Colossus, ou SOTC, fait partie du cercle d'élite des jeux qui font voyager les rêveurs que nous sommes tous dans une contrée loin, très loin dans laquelle poésie, contemplation, apaisement et pureté se mélangent de manière harmonieuse. Des sensations que j'avais presque oubliées depuis ICO et Shenmue. Seulement SOTC va encore plus loin dans la démarche en proposant un gameplay complètement novateur et en parfaite adéquation avec le parti pris artistique.

Vous incarnez Wanda, un jeune garçon, qui pour sauver sa dulcinée va demander l'aide d'une divinité résidant sur une terre interdite. Le héros est accompagné de son fidèle destrier, Adro, indispensable pour traverser les vastes étendus à la recherche des Colosses. En effet, Wanda a passé un marché avec Dormin et doit terrasser seize Colosses en échange de la résurrection de sa bien-aimée. Dès la première cinématique, on est impressionné par le travail sonore effectué sur les voix, notamment celle de Dormin qui représente à merveille la grandeur de son essence divine. La mise en scène est parfaitement maîtrisée, des angles de vue au choix des mélodies, et inspire douceur, poésie et mélancolie.

A partir de là, le schéma de jeu est immuable : on traverse le monde à la recherche d'un Colosse à l'aide de son fidèle destrier (l'épée du héros indique alors la direction vers laquelle aller en reflétant la lumière du soleil et en la condensant en un seul rayon lumineux). Une fois celui-ci trouvé, une longue bataille s'ensuit pour l'abattre et on revient au point de départ prêt à en découdre avec un autre. Quoi, c'est tout ? Eh bien oui c'est tout. Il n'y a d'ailleurs pas d'ennemis intermédiaires, les seules créatures à tuer étant les Colosses. Et pourtant on ne s'ennuie pas une seule seconde pendant les huit heures que constitue cette épopée.


Un cavalier qui surgit hors de la nuit

Tout d'abord, les phases d'exploration sont de purs moments de détente, on admire les paysages, la caméra se plaçant d'ailleurs subtilement en contre-plongée derrière le héros pour mieux laisser apprécier au joueur les superbes décors, on s'extasie lorsque l'on découvre de nouveaux lieux tous plus enivrants les uns que les autres : bosquet, clairière, gouffre, cascade, plaine désertique, ruines...

Un autre point important est l'importance du cheval que l'on a vraiment l'impression de dompter, on ressent ses réactions toutes extrêmement crédibles. Il ne suffit pas juste d'appuyer sur un bouton pour le faire avancer, il faut aussi s'adapter à son comportement si bien que l'on a parfois l'impression d'avoir affaire à un véritable étalon. Les animations du cheval et du cavalier sont d'ailleurs incroyables et variées. Quand on a déjà fait un minimum d'équitation, c'est encore plus frappant et on se surprend parfois à observer Adro pendant quelques secondes pour s'extasier devant son comportement ultra crédible.
Techniquement le jeu est aussi très maîtrisé durant ces phases avec des effets de lumières, d'ombres et de particules sublimes au même titre qu'une bande son uniquement composée de bruitages naturels invraisemblablement réalistes. Jamais le bruit du vent ou de l'eau n'a été aussi crédible dans un jeux vidéo.


David contre Goliath

Passons maintenant au gros morceau du jeu : les combats contre les Colosses. Au premier abord, on se dit que seize ça fait beaucoup mais c'est sans compter sur l'imagination des développeurs qui ont réussi l'exploit d'en faire autant de morceaux de bravoure épiques, intenses et uniques provoquant leur lot de sensation et de surprise.

De manière générale, le combat contre un Colosse se déroule en plusieurs étapes : premièrement on cherche le moyen de lui monter dessus, c'est souvent la phase la plus longue car chaque Colosse a une tactique d'approche bien particulière faisant un minimum travailler sa réflexion et sa logique. Ensuite, s'ensuit l'étape éprouvante de l'ascension du Colosse qui mesure bien souvent des dizaines de mètres de haut. Et enfin, on plante son épée à plusieurs reprises dans son point faible symbolisé par un artefact brillant.
Alors là, que dire, à part, qu'on est vraiment impressionné par l'imposante carrure de ces véritables niveaux ambulants. En effet, certains demandent 45 minutes pour être défaits, leur mort devenant alors un soulagement, tellement les sensations sont intenses, on en ressent presque de la fatigue. Ils sont superbement animés, magnifiques esthétiquement et surtout incroyablement vivants. Il faut les voir se débattre lorsque l'on est agrippé dessus, pousser des cris d'agonie lorsque l'on plonge violement l'épée dans leur chair dans une gerbe de sang noirâtre et s'écrouler lentement une fois leur dernier souffle expiré. D'ailleurs, il se dégage une certaine tristesse lors de la mort de chaque créature dont l'essence vitale est absorbée par le héros.
La musique se dévoile alors avec des morceaux épiques souvent magnifiquement composés prenant de l'ampleur au fur et à mesure de la joute et retombant lentement une fois la bête achevée. Les effets spéciaux nous en mettent plein la vue sans être trop abondants et chaque combat est un exploit technique pour une Play2 qui doit croire que son dernier moment arrive lors de chaque rencontre avec un Colosse.
Il y a énormément d'autres choses à dire à propos des Colosses mais le mieux est que vous les découvriez par vous-même tellement le plaisir de jeu est décuplé par ces découvertes.

Un dernier mot sur le héros, véritable être humain prêt à tout pour sauver son amour qui, pour sauver une vie ne va pas hésiter à en sacrifier une dizaine. Il n'y pas vraiment de gentil ou de méchant dans l'aventure, rien n'est manichéen, d'où la tristesse qui s'empare du joueur lors de la mort des Colosses, faisant doucement retomber la frénésie du combat. La relation entre Wanda et Adro est aussi très touchante, Adro jouant un rôle très important dans l'aventure.
Pour finir, la fin est sûrement la plus magnifique qu'il m'ait été donné de voir dans un jeu vidéo, servie par les compositions les plus belles de l'aventure.


Conclusion

En conclusion, Shadow of the Colossus est un incroyable concentré d'émotions et de poésie. Il serait complètement impensable pour tout fan de jeux vidéo de passer à coté, tellement c'est un pur bonheur de parcourir un jeu aussi riche, original, dépaysant et maîtrisé de bout en bout.
Il vient définitivement d'accéder au panthéon des meilleurs jeux de cette génération de console.