9/10Silent Hill: Shattered Memories - Test

/ Critique - écrit par Mandark, le 24/02/2010
Notre verdict : 9/10 - Ville nouvelle (Fiche technique)

Tags : hill silent memories shattered jeux wii test

Welcome back in town! Le Silent Hill nouveau est enfin arrivé et il frappe très fort en proposant de renouer à sa façon avec l'enfer psychologique des premiers épisodes. "Toi qui entre ici abandonne tout espoir".

Oh qu’il était attendu au tournant ce Silent Hill : Shattered Memories depuis la première annonce de sa réalisation pour célébrer les 10 ans de la série. Et qu’il en a suscité des espoirs et des inquiétudes pour tous les fans de la première heure. Des sentiments mêlés qui s’expliquent par les révélations qui ont accompagné la création de ce nouvel opus et le souvenir des deux derniers volets qui n’auront pas fait l’unanimité chez les aficionados de la Team Silent originelle, partie voguer depuis vers d’autres horizons (à l’exception notable du génial Yamaoka Akira, directeur du son depuis le premier épisode et également producteur de la série depuis le numéro 3). Ainsi donc on apprenait que cette nouvelle itération serait conçue comme un remake du mythique Silent Hill et qu’elle serait développée…pour la Wii ! Et pour enfoncer le clou, on apprenait dans la foulée que la tâche avait été confiée au studio Climax, déjà responsable de l’efficace mais pas forcément très original Silent Hill Origins (a.k.a Silent Hill Zero) ! De quoi être curieux tout en mordillant nerveusement une mèche des cheveux de sa copine. Mais ça y est nous y sommes, la longue attente est terminée et c’est enfin l’heure de juger sur pièces !

Tabula rasa

Bienvenue nulle part
Bienvenue nulle part
Pour ceux qui auront lu notre
preview, ils savent déjà que Silent Hill : Shattered Memories n’est en fait pas un remake du jeu qui a révolutionné le survival horror, mais un reboot. L’équipe de Climax s’est en effet imposé de prendre une feuille blanche et de coucher dessus tout ce qui lui semblait pertinent à son point de vue en matière d’horreur narrative tout en gardant bien en tête ce qui faisait la force des premiers Silent Hill. Et disons le tout de suite, non seulement le résultat est impressionnant, mais il réussit surtout l’exploit, et ce sans jamais en trahir l’esprit, de proposer une vision totalement nouvelle et originale d’un univers que l’on pensait coulé dans le béton. Pour commencer, Silent Hill : Shattered Memories reprend les personnages et le pitch originel du premier épisode : Harry Mason, écrivain de son état, fait une malheureuse sortie de route, sa voiture se retrouve éjectée dans un fossé et il perd connaissance. Quand il reprend ses esprits c’est pour constater que sa fille Cheryl a disparu et, fou d’inquiétude en bon père qu’il est, il part à sa recherche dans les rues désertes et glacées de la petite ville de Silent Hill. Un pitch de départ résolument identique donc, mais c’est à partir de là que l’aventure va sensiblement s’éloigner de ce qu’on connaissait.

Première surprise, avant l’accident le joueur a assisté à un prologue où il est le patient d’un début d’une séance de psychanalyse. En vue subjective et bien calé dans un fauteuil il doit répondre à quelques questions plutôt personnelles qui lui sont posées par un mystérieux docteur K (Kaufmann ?).

Deuxième surprise, la ville de Silent Hill elle-même. On en reconnait tout de suite le style et pourtant elle n’a indéniablement plus rien à voir avec la bourgade noyée dans le brouillard à laquelle on s’était (si l’on peut dire) acclimaté, et tout en ayant ce curieux feeling de savoir où l’on est on sait que c’est la première fois qu’on y met les pieds. Car ici presque tout est différent.

cauchemar éveillé
cauchemar éveillé
Ici c’est une tempête de neige qui fait rage tandis qu’un Harry physiquement bien loin de celui que l’on connaissait et souffrant d’amnésie partielle (il ne se souvient plus d’un certain nombre de détails suite à l’accident, comme par exemple l’adresse où il habite bien qu’il vive à Silent Hill depuis des années) arpente les rues une lampe-torche à la main. Et l’impression immédiate ressentie par le joueur n’est pas ici une sensation de malaise mais de solitude profonde, d’abandon ; une façon différente de se sentir coupé du monde. Bien sûr Silent Hill reste un environnement hostile mais les dangers qui y sont tapis vont se présenter eux aussi d’une manière complètement inédite par rapport à ce dont on avait l’habitude. Ainsi, et à l’instar des précédents volets, la ville va toujours subir une déformation et glisser régulièrement dans une réalité parallèle. Mais cette fois point de murs écorchés ou autres déliquescences organiques et rouillées du décor. Quand le cauchemar commence Silent Hill est rapidement prise dans un étau de glace et l’air se fige au sein d’une obscurité de tombeau. D’étranges et inquiétantes créatures humanoïdes surgissent alors de partout pour se jeter sur Harry qui n’aura pas d’autre option que la fuite pour s’en sortir. Car hors de question de penser à vendre chèrement sa peau dans ce nouvel enfer. Il n’y a pas d’armes, pas de potions de soin, pas d’items salvateurs, à l’exception peut-être de quelques trop rares fumigènes ici et là qui pourront contenir l’assaut des furieux pendant une poignée de secondes, et de certains meubles à faire chuter derrière soi pendant sa course pour freiner un peu leur poursuite. Se cacher temporairement est également possible, mais le répit apporté par cette option ne sera quoi qu’il arrive que de courte durée. En fait la seule vraie échappatoire sera de rallier au plus vite un point spécifique de la carte. Plus facile à dire qu’à faire cependant, car bien entendu en versant dans cette dimension alternative la ville aura changé de topographie, laissant apparaitre d’énormes gouffres sans fond là Quelques secondes de répit
Quelques secondes de répit
où se trouvaient auparavant des voies de passage bien réelles. Il faudra donc sauter, ramper, escalader les obstacles en priant être dans la bonne direction tout en résistant à l’horrible tentation de jeter un œil par-dessus son épaule pour mesurer la distance qui nous sépare des assaillants. Et parfois, une fois enfin arrivé au terminus de cette course d’enfer, il faudra retourner en arrière pour pouvoir vraiment quitter cette horreur !

Ce pari, à priori risqué en termes de gameplay quand on s’adresse à des joueurs de survival élevés à la soupe aux herbes vertes entre deux sessions de maniement de fusil à pompe, est en fait une véritable idée de génie. D’abord parce que la peur panique et viscérale qui nait de l’impuissance du joueur à ne pouvoir faire autre chose que prendre ses jambes à son cou, sans réellement savoir où se trouve la sortie (concept d’ailleurs poussé à un éprouvant paroxysme lors d’un moment clé du jeu, preuve si il en est que l’équipe de Climax à totalement compris les tenants et les aboutissants de ce choix audacieux), et tout en ayant sur ses talons « l’indicible horreur » chère à H.P Lovecraft, rappelle inévitablement le cauchemar au sens premier du terme et sous sa forme la plus universelle. Celle où l’on cherche à échapper à quelque chose qui nous terrorise au plus profond et qui nous vouera au néant si elle nous rattrape (il faut que je me réveille, il faut que je me réveille !). Celle aussi où l’on cherche à fuir à travers un dédale de corridors sans fin vers une porte qui semble toujours plus s’éloigner au fur et à mesure que l’on s’en rapproche. Ensuite parce que hormis ces séquences où Silent Hill se fait monstrueuse, on se rend vite compte que la ville sous son jour « normal » ne représente absolument aucun danger, ce qui suscite l’angoisse du moment fatidique où tout va basculer à nouveau. Bref, de même que le cauchemar s’éloigne une fois réveillé, le petit jour apportant avec lui la délivrance, nous gardons l’appréhension de la prochaine nuit à venir. Mais que l’on ne s’imagine pas que parce que les rues sont redevenues sûres le jeu y perd de son intérêt pour autant, bien au contraire. Car, et ce en parfaite adéquation avec l’esprit de la saga, les pérégrinations d’Harry et son obsession de retrouver l’amour de sa vie constituent le vrai cœur de Silent Hill : Shattered Memories. La quête pour Cheryl est à la fois ce qui rattache emphatiquement le joueur à Harry tout en étant l’occasion d’en Cheryl
Cheryl
apprendre toujours un peu plus sur les mystères de cette ville à la fois angoissante et fascinante qui prend peu à peu corps pour devenir un personnage à part entière. Une ville à laquelle on a bizarrement le sentiment d’appartenir après un temps et qui exerce un troublant pouvoir de séduction mâtiné de craintes indéfinissables. Petit à petit l’ambiance mélancolique qui y règne submerge celui qui s’y perd au point de continuellement se laisser gagner par la certitude que, bien que ne présentant en apparences aucune menace, ce Silent Hill là recèle un secret bien plus terrifiant que cette éternelle nuit gelée peuplée d’abominations.

Gameplay rasa

Bien qu’également dispo sur PS2 et PSP, Silent Hill : Shattered Memories a été développé avant tout avec le souci de tirer au maximum partie des fonctionnalités de la boite blanche de Big N. On contrôle donc les déplacements d’Harry avec le stick du nunchuk et la wiimote sert elle à la fois de lampe torche, de pointeur et même de téléphone portable. Car une des très bonnes idées quant à l’interface est d’avoir condensé toutes les options dans le mobile du personnage plutôt que de faire ouvrir au joueur un menu extérieur qui le sortirait du jeu pour accéder au plan de la ville ou au menu des paramètres. Plus important, il servira aussi à prendre des photos des âmes désincarnées qui parsèment Silent Hill ainsi qu’à recevoir ou passer des appels (auquel cas il faudra coller la wiimote contre son oreille pour entendre son interlocuteur via le micro de la manette, un procédé on ne peut plus immersif). Eh oui, parce qu’on n’est pas tout à fait seul dans cette ville oubliée du monde, et bien que l’on y croise que rarement âme qui vive on peut composer à loisir les nombreux numéros trouvés lors de sa progression, numéros qui représentent soit une opportunité d’influer sur le scénario, soit de simplement renforcer l’implication du joueur en lui donnant des bribes d’informations ou la possibilité de dialoguer avec des personnes extérieures à l’intrigue. Cela finit d’ailleurs par provoquer un sentiment troublant à la longue : celui que le monde réel est toujours là quelque part, mais que l’on n’en fait plus Souriez!
Souriez!
partie, qu’il est hors d’atteinte pour de bon. Dernière précision capitale à propos du téléphone, il remplace ici la bonne vieille radio d’autrefois et se mettra à grésiller à l’approche d’un endroit chargé en émotions du passé (où Harry en apprendra à chaque fois un peu plus sur le background de Silent Hill) ou si une monstruosité se trouve à proximité lors des phases de « bad dream ».

Un autre élément qui fait que l’on a beaucoup parlé de ce nouveau Silent Hill en amont de sa sortie, c’est son système de jeu qui analyse en permanence les réactions du joueur pour adapter l’expérience in-game à sa personnalité. Loin d’être une vaine promesse, comme c’est le cas pour certains titres qui se bornent à moduler la difficulté en fonction des résultats obtenus au cours de leur déroulement, ce système est une sacrée trouvaille qui non seulement modifie l’apparence des lieux et des personnages en fonction de sa façon d’agir et du comportement adopté lors des intermèdes chez le psy (qui comme indiqué plus haut se déroulent en vue subjective, un autre effet narratif qui a ici une grande importance), mais de ces choix et de ces actes ainsi que de tous ceux assumés pendant le jeu dépendront également les chemins pris pour avancer, les réactions et le caractère des personnes rencontrées ainsi que les différentes fins possibles. Et autant dire que si le jeu est un peu court (7 à 10 heures, et c’est bien la seule chose qu’on peut lui reprocher), l’envie de remettre ça illico en modifiant ses agissements se fait tout de suite sentir pour pouvoir bénéficier d’un « autre regard » sur la progression de l’histoire. Et l’auteur de ces lignes en étant à sa troisième partie il peut certifier que ça marche du feu de dieu, même si la trame principale reste fondamentalement la même.

Cybill et Harry
Cybill et Harry
Silent Hill
oblige, les énigmes font de nouveau partie du jeu mais cette fois sous une forme contextuelle qui demandera de déplacer des objets ou des mécanismes à l’aide de la wiimote comme si c’était une extension du bras du joueur. Si certaines sont basiques (retourner une cannette pour faire tomber la clé qui était cachée dedans, soulever un loquet), d’autres sont par contre beaucoup plus futées et demanderont un poil de jugeote. Dans tous les cas elles répondent elles aussi au sacro-saint principe d’interaction/immersion rendu possible avec la reconnaissance de mouvement de la console et sont à ce titre souvent bien pensées.

Graphiquement Silent Hill : Shattered Memories s’en tire avec les honneurs, grâce à une excellente modélisation des protagonistes et des environnements détaillés et très soignés qui contribuent fortement à assurer l’ambiance particulière de cette ville nouvelle, d’autant plus que Climax a eu l’intelligence de réutiliser le « truc » de l’image granuleuse, qui ce coup-ci lorgne plus vers le rendu de bande magnétique un peu sale, et pour cause ! (désolé, mais ici je ne peux en dire plus sous peine de spoiler)

Solitude et désespoir
Solitude et désespoir
Et puisqu’on parle d’ambiance, impossible de ne pas souligner, une fois de plus pour un Silent Hill, le remarquable travail de Yamaoka Akira. Comme à son habitude il a composé une bande sonore riche et propre à faire frissonner l’échine ainsi qu’une partition musicale parfaitement en harmonie avec une atmosphère lourde et mélancolique qui évoque constamment la recherche de l’être cher et la crainte de le perdre à jamais, en cela une fois de plus brillamment épaulé par la superbe voix de Mary Elizabeth McGlynn sur quatre magnifiques chansons. Gageons que son perfectionnisme et sa connaissance de l’univers de Silent Hill depuis sa création auront été d’une grande aide aux développeurs du jeu. Et même si à ses dires il quitte Konami, soyons rassurés de savoir qu’il ait déclaré vouloir continuer à travailler sur les futurs épisodes de la série. Une déclaration qui fait office de garantie de qualité pour l’avenir, surtout si le studio Climax qui à réussi un vrai coup de maître avec cet opus se propose à nouveau pour nous servir de guide lors d’une future visite de la petite bourgade la plus proche de l’enfer qui soit.