5/10Urgences (le jeu) - Test

/ Critique - écrit par gyzmo, le 01/11/2005
Notre verdict : 5/10 - Anesthésie générale (Fiche technique)

Lire le test farfelu de Urgences (le jeu)

Peu attiré par les simulations de vie proches de la franchise "Les Sims", et spectateur occasionnel de l'une des plus célèbres séries télévisées américaines, c'est avec une timide curiosité que je me suis décidé à pénétrer le fameux hôpital du Cook County. Après avoir créer de toute pièce mon jeune interne inexpérimenté, de son apparence (couleur de peau, sexe, uniforme) aux caractéristiques de sa personnalité (intelligence, résistance, dextérité et charme), je me suis retrouvé aux urgences. Et devinez qui est sur le point de me faire visiter le County ? Un certain docteur Carter...

- Enfin ! Vous avez bien une heure de retard, mon vieux.
- Oups, désolé, j'ai omis de passer à l'heure d'hiver.
- Superbe et imparable excuse ! Bien. Faisons le tour du propriétaire, voulez-vous ? Nous sommes au rez-de-chaussée, précisément là où vos talents de guérisseurs seront vivement mis à contribution. Ici, c'est la salle de triage où vous ausculterez vos patients, déterminerez la gravité de leurs petits bobos et déciderez de leur alitement dans les différentes salles d'examen, chacune d'elles étant spécialement équipée en fonction des cas plus ou moins graves à guérir. Quant aux deux salles de Réa, elles ne sont destinées qu'aux malades atteints de symptômes dramatiques. Des questions?
- Elle est pas là docteur Lewis ? Non, parce que je vous aime bien, hein, mais vous êtes pas trop mon genre, quoi.
- Ah ! Ah ! Ah ! Quel humour ! J'adore ! Prenons l'ascenseur et allons à l'étage... Les salles de repos et de gym, les douches et la cafétéria constituent notre espace de détente. C'est ici que vous viendrez stabiliser vos ressources personnelles que sont l'hygiène, l'énergie et le calme. Prenez soin de vous afin d'éviter la syncope ou la propagation des microbes et odeurs nauséabondes susceptibles d'altérer votre prestige auprès du personnel de l'établissement.
- Dites, je pensais pas qu'il y aurait tant d'endroits à utiliser. C'est pas que j'ai peur de me perdre, mais vous n'auriez pas une astuce mnémotechnique pour m'éviter d'envoyer un grabataire en salle de gym ?
- Tous les médecins possèdent un mini plan sur lequel figurent les différents étages, salles et lits disponibles, ainsi que les individus circulant dans le County et représentés par des points de couleurs suivant leur appartenance au clan des médecins, infirmiers ou patients. D'autre part, en cliquant sur l'une des salles de votre mini plan, vous vous y rendrez automatiquement. C'est-y pas beau la technologie?
Ouais. Loin de moi l'idée de critiquer la décoration tridimentionnelle, de faire des remarques sur le choix des carrelages ou la disposition des lits, m'enfin, ce que Carter oublie de dire c'est que son hôpital, il est moche quand même. Cela dit, j'ai jamais aimé les hôpitaux.

Du bureau des infirmières à celui du docteur Van Deer, les fans de la série télévisée ne seront pas trop dépaysés (ça m'a semblé très fidèle). Ils auront sûrement du plaisir à déambuler dans l'enceinte un peu trop aseptisée à mon goût. Par contre, qu'est-ce qu'on se salit dans cet hôpital ! C'est la première fois que j'ai à prendre une douche toutes les dix minutes pour rester bien propre et ne pas faire fuir les gens. Et j'aurai jamais cru qu'un médecin devait faire autant d'aller-retour à la cafétéria dans une journée pour se restaurer et reprendre des forces ! Ne le répétez pas, mais il est également de coutume d'avoir recours à des pilules spéciales (et qui n'ont pas l'air très légales) pour se maintenir au top de la forme. Bref ! Drôle d'image que celle donnée aux médecins par ce Urgences... D'autant que leur métier donne l'impression d'être humainement superficiel, souvent répétitif et ultra stressant.

Finalement, passée la première heure de boulot, on se rend compte que le County n'est pas aussi grand que cela et qu'en dehors d'une intervention sur le parking des ambulances, on finit vite par se lasser d'être entre quatre murs, à essayer de gérer sa journée (interminable), remplir des objectifs (plus ou moins improbables) et soigner divers patients qui, caractéristique intéressante, ont généralement des attitudes qui indiquent le genre de mal dont ils souffrent avant même d'avoir été examinés.

En parlant des malades, voilà justement mon premier cobaye de la journée...

- Bonjour, docteur.
- Bonsoir ! Alors, qu'est-ce qui vous arrive comme misères?
- Je traîne la jambe depuis quelques jours. Ca fait très mal et je ne sais pas d'où ça peut provenir, je suis du genre pantoufles à pépère, vous savez.
- Hum... Plutôt mou du genou, donc. Voyons voir un peu que je vous examine... Ouvrez la bouche et dites : "666 the number of the beast".
- Heu... "666 the number of the beast" o_O
- Wahou ! Ca m'a tout l'air d'une embolie cérébrale post hallucinatoire de 5ième degré ! Incroyable ! J'hésite... Ce n'est pas du tout ma spécialité. Je pourrais vous confier au docteur Carter, mais il a passé toute la matinée à se gaver de babas au rhum. Il m'a l'air instable et les autres médecins sont à la Foire Internationale du Scalpel Tout en Un... Allez en salle d'examen principal, seconde couchette, une jolie infirmière va venir s'occuper de vous en attendant que j'aille chercher mon Manuel des Cas Rares en Médecine pour m'aider à vous remettre sur pieds.
- O_o... Oh ! C'est un miracle ! Regardez, docteur : j'arrive à bouger la jambe sans aucun problème... (aïe) ... ! Adieu et bon courage pour votre carrière...

En ayant la présence d'esprit de subtilement prendre sa jambe à son coup, ce patient a eu un très bon réflexe. Si je l'avais réellement rencontré dans cette salle de triage, il serait malheureusement ressorti les deux pieds devant.

Dans Urgences, lorsque vous cliquez droit sur un patient pour le diagnostiquer via le menu contextuel à multiples options (examiner, déplacer, adresser, envoyer au labo), un indicateur vous annonce le degré de difficulté et la spécificité du cas à traiter. Pour un débutant qui commence la partie avec tout juste l'équivalent d'un brevet de secourisme - et ce, malgré vos supposées huit ans d'études supérieures en médecine - tenter de guérir un cas de niveau 5 (il y en a 10 en tout) équivaut à aller capturer des papillons avec un fusil à pompe canon scié. Prendre le risque de perdre un patient, c'est voir sa popularité chuter et l'ombre du renvoi planer au-dessus de sa tête. Et à moins d'utiliser un des nombreux objets bonus reçus en cours du jeu pour momentanément booster ses compétences, il ne faut pas hésiter à adresser un cas sérieux à l'un de vos confrères et rester humble par rapport aux niveaux de ses aptitudes médicales.

Celles-ci sont augmentables chaque fois que vous gagnez de l'expérience (en guérissant ou en remplissant un objectif). Elles se déclinent en six spécialités (neurochirurgie, toxicologie, pédiatrie, orthopédie, cardiologie et chirurgie) et sont tributaires de votre personnalité de départ, qui elle, ne changera pas en cours de jeu. Si par exemple votre indice d'intelligence est très élevé, vous serez plus enclin à progresser rapidement en neurochirurgie et en toxicologie. Si par contre c'est la dextérité qui est votre point fort, la cardiologie et la chirurgie n'auront plus de secrets pour vous. En plus de vos aptitudes, vous obtiendrez petit à petit divers talents spéciaux à combiner entre eux pour devenir plus performant et acquérir ainsi un meilleur statut auprès de vos collègues, qui alors n'hésiteront pas à vous confier leurs malades (pour aller papoter à la cafétéria).

Mais avant que l'on ne vous surnomme Frank Einstein, il vous faudra en voir du patient. Si toutefois on vous en laisse le temps...

- Docteur Gyzmo est attendu dans le bureau du docteur Van Deer... Docteur Gyzmo est attendu dans le bureau du docteur Van Deer !... Docteur Gyzmo !!... Gyzmo, c'est important!!!
- Ouais, ouais, c'est bon, j'y suis devant son bureau, pas la peine de me harceler!
- Ah ! Docteur Gyzmo aime se faire désirer, hein ! A deux secondes près, vous étiez bon pour louper notre rendez-vous. Donc, je voulais vous demander si vous n'aviez pas vu un patient de l'étage de psychiatrie se balader dans les couloirs de la salle principale d'examen?
- Heu... c'est ça votre truc important !? J'étais sur le point de sauver ma première vie de la journée, nom de Dieu ! Et j'ai dû laisser ma patiente dans un état végétatif pas possible pour pas louper cet objectif invraisemblable (et les points d'expériences qui vont avec) ! Mais le personnel de la sécurité vous sert à quoi exactement?
- Des bruits de couloirs sont venus me souffler que vous vous ennuyez un peu chez nous. Vous êtes un bon élément (probablement l'un des rares à avoir accepté d'intégrer le County) alors j'ai pensé que ce genre de petites missions exotiques mettrait du piment dans votre vie!
- De l'exotisme et du piment? Mais ma parole, vous aviez qu'à m'envoyer au coin de la rue pour aller vous chercher un hot dog à la moutarde en pensant me changer les idées, aussi ! Et puis bon, y'a pas marqué Docteur Kimbell, là. J'ai pas fait huit années de médecine pour partir à la chasse aux psychopathes!
- Comme vous voudrez, docteur Gyzmo. C'est dommage, il y avait une récompense supplémentaire à la clé...
- Oubliez ce que j'ai dit. C'est comme si c'était fait !

Comment ça, je suis opportuniste et intéressé ? Oh, l'autre hé ! Lorsqu'on joue à un jeu vidéo, il faut parfois laisser sa petite déontologie de côté pour sauter sur la moindre occasion d'atteindre les sommets de la reconnaissance ! Tout le reste, c'est du flan, les amis.

En tout cas, si vous n'acceptez pas cette philosophie de vie, difficile de vous lancer dans cette version d'Urgences qui consiste, ni plus, ni moins, à faire de votre médecin le plus balèze de tous ! Car en fait, de scénario, il n'y en a point. Tout juste une succession de patients dépersonnalisés à trier, quelques célèbres stars un peu stupides à soigner, des petites missions insipides où vous devrez jouer le vigile, des situations exceptionnelles de stress, fidèles à la série éponyme, où des vagues incessantes des victimes d'une catastrophe caricaturale se retrouveront comme par magie dans votre salle d'attente. Et au milieu de toutes ces activités que l'on retrouve systématiquement dans chacun des six "épisodes" du jeu, et même si les animations de tout ce joli monde sont assez bien faites (surtout lorsque votre médecin fait de grands mouvements incantatoires au-dessus de son patient comme s'il voulait l'exorciser), on ne peut pas dire que le microcosme d'Urgences grouille d'humanité...

Les patients affluent sans cesse, bloquent parfois le passage et restent plantés à attendre que vous déniez vous occuper d'eux, pendant vos "moments libres" qui plus est. Certains d'entre eux manifesteront de la gratitude à votre égard avec des offrandes (bouquet de fleurs, barre de chocolat, scalpel magique, ceinture du boxeur qui casse tout sur son passage... décidément, le jeu est d'un réalisme troublant). Quant aux autres patients, "merci" et "au revoir" sont des mots qui n'ont même pas été intégrés à leur vocabulaire, de toute façon inexistant (de vrais zombies qui auraient fait une formidable figuration dans Resident Evil, tiens). Vraiment, à en croire ce jeu, quel boulot ingrat et effrayant que celui de médecin du Cook County ! Heureusement, pour se remonter le moral, et parce que Urgences est l'une des meilleures agences fictives de rencontre amoureuse de la télévision, votre médecin aura la possibilité de communiquer avec le personnel du County.

Tenez ! Justement, voilà ma future dulcinée qui approche...

- Hé ! Miss Lewis ! Alors ma belle, quoi de beau t'as eu comme grave maladie aujourd'hui?
- Ahem... Surtout ne le prenez pas mal, mais votre première approche avec moi est légèrement familière.
- Oups... Décidément, j'assure comme un barbare, moi. Non, c'est parce que j'ai vu qu'on pouvait parler de plein de choses avec le personnel du County jusqu'à même avoir une (ou plusieurs) amourette(s en même temps), alors bon, je tente ma chance, quoi.
- Oui, mais non. Il faut y aller doucement, en commençant par un sujet anodin, puis essayez de trouver des goûts communs avec votre interlocuteur. Quand la confiance s'installe, vous pourrez aborder des sujets plus intimes, vous confier, réconforter, pester, affirmer votre admiration ou déclarer votre flamme. Mais bon, avec un nom aussi ridicule que le votre, je vous avoue que ça va pas être facile.
- Ouh la! Vous avez de la répartie corrosive pour un médecin ! Ben Gyzmo, c'est sûr que ça fait pas top séduction, mais c'est quand même mieux que Jean-Claude Dusse, non?
- Hum... Ca peut se discuter. Mais je reconnais que juger les gens sur leur nom - aussi grotesque soit-il - ce n'est pas bien et c'est surtout très superficiel. Ecoutez, je vais être aimable et vous accordez un peu de temps de discussions. Par exemple : vous pensez quoi du maquillage waterproof de Kate Winslet dans le film de James Cameron?
- Hum... Ca sent la question piège... Y'aurait du sous-entendu là-dessous (genre, partie immergée d'un iceberg) que ça ne m'étonnerait pas... Je vous répondrais que c'est pas aussi douteux que le sourire émail diamant de Matt Damon dans Les Frères Grimm de Terry Gilliam...
- Oh! Quelle réponse bouleversante ! Je n'y avais jamais pensé ! Finalement, je vous trouve très pertinent. Nous pourrions sans doute aller boire un verre après votre service?
- Mais bien sûr! Attendez... je finis à quelle heure déjà... 1h02 du matin... Damnation! Il m'est strictement interdit de boire, de manger et de prendre une douche en charmante compagnie après minuit sous peine d'engendrer de terribles catastrophes !!!

Que serait une communauté tel que le Cook County sans communications ?

Chacun des personnages travaillant au County est à la base entouré d'un cercle bleu clair. Ce dernier est susceptible de changer de couleur, allant du bleu foncé pour les ennemis au rose bonbon pour les amis, chaque fois que vous aurez engagé la conversation avec votre interlocuteur. Une jauge d'amitié vous indique généralement où vous en êtes avec chacun d'entre eux. Il n'y a pas de limites puisque votre personnage - qu'il soit hétéro, bis ou homosexuel - peut flirter avec n'importe qui, quelque que soit son sexe et son clan. C'est d'ailleurs très rigolo de voir le médecin que vous incarnez se faire embrasser fougueusement par l'infirmière Shirley Adams, voire mieux, par le standardiste Coubiac Markovic!

Mais pour arriver jusque-là, il vous faudra être très attentif aux sujets de conversations lancés (sous forme de petites icônes) par vos correspondants et à leurs réactions comportementales (allant de l'explosion de rires aux mouvements colériques), indices primordiaux pour dépister leurs avis respectifs plus ou moins positifs sur le thème abordé. Et grâce aux nombreuses options de conversations vous pourrez tenter d'affiner (ou pas) votre degré d'intimité. Plus celui-ci est élevé, plus il vous sera facile d'intégrer un clan et d'obtenir de petits privilèges, tel que des linguettes de propreté gratuites auprès du clan des infirmières. D'ailleurs, par l'intermédiaire du panneau de discussion ou simplement le menu contextuel, il est possible de troquer des bonus avec l'ensemble du personnel du Cook County.

Entre les médecins, les infirmières, les policiers, les ambulanciers ou les internes, vous verrez qu'il y a beaucoup de monde à qui parler. Bien qu'il soit difficile d'en exploiter toute la richesse, faute de temps et pression du boulot oblige, le système de communication est probablement l'élément le plus sympathique d'Urgences.

- Alors, mon vieux, quel est donc votre bilan médical?
- Hé bien, je dirais que votre Cook County n'est pas vraiment l'endroit rêvé pour s'évader, c'est le moins que l'on puisse dire. Cela dit, je m'en doutais déjà un peu. C'est surtout que comparé au plus minable des épisodes d'ER, votre Urgences est assez anesthésique. La mise en scène est plus que maladroite, les temps de chargements m'ont paru très long, les bugs (de collisions et de sauvegardes) sont exaspérants.
Lorsqu'il y a trop de monde à l'écran, ça rame (alors que bon, les détails ne sont pas complexes). A certains moments, on retrouve bien les ficelles de la série TV, surtout lorsqu'un événement bouleversant casse la quiétude et plonge tout le monde dans le stress total pendant un laps de temps assez long (trop, en l'occurrence). Mais il y a tellement d'invraisemblances dans le jeu que cet Urgences donne l'impression d'être une caricature faite à la va-vite surfant sur le succès d'un géant de la télévision.
- Bon. Je vois que le stratagème de Mindscape et des producteurs d'ER ne vous a pas échappé. C'est effectivement plus une question de pognon que de passion, cette adaptation ludique. Mais il y a des choses intéressantes, comme la participation exceptionnelle des acteurs tel que Noah Wyle. Pour la version française, se sont également les doubleurs officiels qui donnent vie aux personnages mythiques de la série. Sans compter les nombreux petits clins d'oeil et tout. Ne pensez-vous pas que les fans y trouveront leur compte?
- Mouais... Sûrement les accros ultimes, ceux qui collectionnent tous les produits dérivés. Et encore, normalement, ils ne déballent pas ce qu'ils achètent au cas où ça prendrait de la valeur dans un futur proche^^. Donc, j'ai peu d'espoir que vous les rencontriez dans cet Urgences-là... Ne le prenez pas mal, hein, mais même si le gameplay n'est pas si mauvais que cela (et plutôt complet avec une foule d'options et de statistiques), c'est pas avec une telle réalisation que vous allez rallier du monde à la cause d'Hippocrate.
Pis finalement, mon avis est subjectif : ce n'est pas du tout ma vocation que celle de la médecine. Moi, je préfère gambader dans la nature, sentir l'herbe caresser mes gambettes, entendre les pitits zoiseaux et la course de l'eau dans le lit de sa rivière, une double hache à la main à la recherche d'un Troll des Montagnes à décapiter!!!